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14 décembre 2008 7 14 /12 /décembre /2008 09:21

Il demeure assez peu de grandes mottes castrales du premier âge féodal dans le sud du Berry. La faiblesse de la population, l'absence de zone de conflit, des frontières de mouvances assez floues jusqu'au XIIIe siècle, les remaniements urbains expliquent qu'on trouve plus de petites mottes castrales ou d'enceintes fortifiées que de grands tertres ayant servi d'assise à des donjons de bois dans la région.
La motte d'Epineuil fait donc figure d'exception et mérite quelques commentaires. Cette motte de fort gabarit était au XIe siècle complétée par une basse-cour, comme le montre le cadastre, et par une chapelle devenue église paroissiale. L'ouvrage, très puissant, avait une importance stratégique qui ne peut s'expliquer que par le passage de la route Bourges-Montluçon aux pieds de l'ancien château. Cette route, héritière de la voie antique, coupait le Cher au lieu-dit Allichamps, puis suivait la rive gauche de la rivière en passant par quelques lieux importants comme Orval, Ainay-le-Vieil, la ville-franche de La Perche, Vallon avant d'arriver en vue de Montluçon. Il est à noter que la voie antique évitait, selon un usage constaté dans d'autres régions, le conciliabulum de Drevant, espace sacré qui n'était desservi à l'époque antique que par des voies secondaires.
Nous préférons parler de motte castrale plutôt que féodale, car manifestement Epineuil, qui a le titre de châtellenie au XIIIe siècle, n'a jamais été une seigneurie. Elevée par le(s) seigneur(s) de Charenton qui contrôlai(en)t tout cet espace, cette forteresse n'a jamais été donnée en fief à un vassal pour en garantir sa totale disposition, mais confiée à des officiers seigneuriaux dont la fonction n'était pas héréditaire. Est-ce l'un d'eux qui permet de faire apparaître le château d'Epineuil dès le milieu du XIe siècle dans nos textes? C'est tout à fait probable. L'individu concerné s'appelait Achard et était issu d'une petite famille féodale de la région de Courçais-Saint-Désiré, les Mauvoisin. Leur ancienne forteresse, en ruine mais bien visible, portait encore il y a peu le nom de Forêt-Mauvoisin. L'épisode narratif est court mais plein d'enseignement. Grâce aux travaux de l'archiviste Gautier sur le cartulaire disparu de la Chapelaude, nous apprenons qu'Achard Mauvoisin, et d'autres voleurs du château d'Epineuil (et alii raptores de Spinioculo castro) a, de nuit, envahi, la maison d'un moine vivant à Aude, peut-être venu dans la région pour préparer la rénovation du prieuré de la Chapelaude, appartenant aux moine de l'abbaye de Saint-Denis, près de Paris.
Cet exemple de violence féodale aux dépends d'un clerc seul et désarmé n'a pas de quoi surprendre dans le contexte de l'époque. L'anecdote présente l'intérêt d'affirmer la présence d'un château à Epineuil dès 1060.
Il nous est difficile de recommander un visite du site car, bien que très facile à trouver en plein milieu du village, la motte est dans un état d'entretien détestable et est presque invisible de la route par faute d'un abandon du site (propriété privée) à la friche. Comme tous les gens qui s'intéressent à ce village, nous appelons de nos vœux une réaction du propriétaire qui pourrait, avec un minimum d'efforts, rendre ce patrimoine accessible à tous.

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1 octobre 2008 3 01 /10 /octobre /2008 09:11


photo I.G.N.


Des outils logiciels très simples d'emploi et disponibles sur internet permettent un utile croisement des sources. Ainsi, par un simple passage en revue des images aériennes et satellites disponibles sur la région d'Ainay-le-Vieil, dans le Cher, il a été possible de localiser l'emplacement d'une ancienne maison forte de la fin du Moyen-âge, complètement arasée, mais bien visible sur le cadastre napoléonien de la commune de la Celette, à l'époque où celui-ci était encore détenu en mairie. Les prospections à vue sur le terrain n'ayant rien donné, c'est par les airs que nous pouvons retrouver la trace de cette ancienne micro-forteresse.

Rappelons que les maisons fortes sont parfois confondues avec les mottes castrales dans l'esprit du public averti. La motte castrale est le vestige d'un ancien château de bois construit à partir du XIe siècle principalement, sur un tertre assez élevé par des apports de remblais extérieur à l'ouvrage. Ces mottes, sièges d'un pouvoir féodal structuré à un niveau supérieur de la hiérarchie politique locale, sont assez peu nombreuses et sont souvent l'amorce d'un foyer urbain.

Construites par la petite aristocratie à la fin du Moyen-âge, les maisons fortes sont plus nombreuses en secteur rural. Constituées d'une douve séparant une plate-forme du relief ordinaire, elle accueillaient le plus souvent de grosses demeures fortifiées dont le bois était le matériau principal. Si beaucoup ont été abandonnées ou se sont transformées en de simples exploitations agricoles, quelques unes ont évolué en petits châteaux-forts ou hôtels particuliers à la période post-médiévale.

Le cas du château de la Lande est intéressant, car il traduit bien la fragilité de ce genre de petit patrimoine militaire. Préservé pendant des siècles dans un paysage de bocage à toutes petites parcelles, il est totalement arasé lors du remembrement qui défigure la commune de la Celette dans les années soixante-dix. Cette destruction est ignorée des archéologues de l'époque. Les photographies aériennes verticales permettent de retrouver la forme primitive des fossés comblés, au milieu des traces des bûchers du remembrement.

J'invite toute personne qui aurait pu avoir le loisir d'observer de tels vestiges par hasard ou par une prospection méthodique d'en communiquer les détails aux services d'archéologie départementale, pour favoriser la mise en œuvre de mesures de sauvegarde en cas de menace ultérieure.

 

 

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9 juillet 2008 3 09 /07 /juillet /2008 10:15


La forteresse médiévale de Montrond, à Saint-Amand-Montrond (18) pourrait avoir accueilli une machine de guerre assez perfectionnée à la fin du Moyen-âge. C’est tout au moins ce que peut laisser supposer un micro-toponyme lisible sur l’ancien plan du site.
Quelques actes locaux donnent une idée de l’origine de ce château. Le toponyme “Montrond” apparaît pour la première fois en 1217 et paraît couvrir une étendue plus vaste que la simple colline encore aujourd’hui connue sous ce nom. Aucune mention de château n’y est encore faite. C’est une dizaine d’années plus tard, entre 1215 et 1218, que la forteresse est citée pour la première fois “castrum Montis Rotundi” à la fois dans une charte locale et dans une lettre de Renaud de Montfaucon*, alors seigneur de Charenton, dont le domaine intégrait Saint-Amand, au roi de France, pour lui promettre qu’il n’utilisera pas son château contre lui. Rien n’indique que les travaux soient achevés à cette date.
Le château est alors constitué d’une enceinte fortifiée comprenant un donjon, quatre tours, une chapelle castrale et un fossé sec l’isolant de sa basse-cour occupant le reste de la plate-forme au sommet du promontoire naturel. L’évolution du site est mal connue jusqu’à la Guerre de 100 ans. On sait que Montrond sert de prison vers 1270.
Devenue propriété de la famille d’Albret au XVe siècle, la forteresse voit son aspect complètement modifié. L’ancienne basse-cour est garnie de tours dans la continuité de l’ancienne fortification, trois nouvelles tours, dont une protège une citerne, sont accolées à la muraille antérieure près du donjon et un aménagement très curieux est construit autour d’une tour primitive, de section circulaire, dite “Tour de l’émir”. C’est à la fois ce nom, la forme de l’aménagement et la topographie d’ensemble qui ont attiré notre attention. Le terme “Tour de l’émir” est lisible sur le plan du XVIIe conservé à la BNF (voir lien en bas d’article). Sur le terrain, on constate que la tour ancienne a été chemisée par un gros aménagement carré, dont les parements sont identiques aux constructions entreprises par la maison d’Albret. La tour de l’émir est la seule tour carrée de l’édifice et, à ma connaissance, la seule de la région. Elle domine la pente la plus douce de la colline, et occupe donc le flanc le plus vulnérable de l’ensemble.
Les anciens érudits avaient noté l’étrangeté orientale du nom de l’ouvrage, et se sont perdus en considérations sur la personnalité de l’émir qui aurait pu y séjourner, comme invité ou comme prisonnier.
Une autre lecture, plus technique, de ce nom, peut être avancée, tout en étant bine entendu qu’il ne s’agit que d’une hypothèse. 
La tour de l’émir ressemble beaucoup aux fortifications musulmanes, comme celles de l’ancienne ville du Caire. Ces tours carrées, surmontées par une terrasse avaient comme fonction de servir de plate-formes à de puissantes machines de jet, dites trébuchets, capables d’expédier à des centaines de mètres toutes sortes de projectiles offensifs et défensifs. La vulnérabilité de la face nord de la colline de, la forme évocatrice des aménagements orientaux et le nom à consonance arabe de l’ensemble laissent penser que le deuxième château médiéval de Montrond a pu être doté d’une puissante machine de guerre en bois capable de couvrir les alentours septentrionaux de la forteresse par des jets de roches (faciles à ramasser et à stocker eu prévision d’un conflit) particulièrement meurtriers pour des assaillants. L’importance du réaménagement du site par les d’Albret montre le soin que ceux-ci ont mis à réarmer l’ensemble. Une grosse machinerie de guerre, insolite sous nos climats mais employée dans d’autres châteaux français contemporains, n’aurait pas de quoi surprendre.



*Renaud de Montfaucon devient seigneur de Charenton par mariage avec la fille du dernier représentant de la lignée des Ebe de Charenton (les numéroter comme certains le font - “Ebbes VI” - n’a aucun sens, et est anachronique), Maoz , qui lui apporte en dot l’une des plus puissantes entités féodales du Berry du Sud. Devant la menace que représente l’extension de la seigneurie de Châteauroux à l’ouest des domaines charentonnais, on peut supposer que le château de Montrond est un élément déterminant de la géopolitique régionale, comme matérialisation de la frontière entre les deux grandes maisons féodales.

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