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27 janvier 2024 6 27 /01 /janvier /2024 11:02

 

Une question se pose: comment nommait-on les filles dans les campagnes du Berry au cours de la longue période qui sépare le règne de Charlemagne de celui de Louis XI?

Bien évidemment, la société a changé au cours des siècles et les usages se sont modifiés avec le temps.  A partir d’une base documentaire de plusieurs centaines d’individus (base non encore publiée) il est possible d’entrevoir plusieurs phases majeures dans la manière de prénommer les filles à plusieurs époques.

Une première remarque, qui peut surprendre: jusqu’au bas-Moyen-Âge (soit à peu près la période de la Guerre de cent ans), je n’observe aucune différence particulière entre les noms des filles de la noblesse régionale et ceux des enfants nées dans les campagnes et les villages.

La plus ancienne mention d’une femme du peuple date (dans ma documentation) de 841, dans la région de Bourges. Son nom est Frodinane, patronyme construit à partir de deux racines germaniques. Toute la société de l’époque, à de très rares exceptions près, utilise le lexique germanique pour créer des noms, tant masculins que féminins.

Grimeldis, Amelda, Ingeldrada, Tedina et Ermesendis (deux sœurs), Adalberga, Euffenria se remarquent, avec beaucoup d’autres, d’avant l’an Mil jusqu’au milieu du XIIe siècle.

A la période féodale, de nouveaux patronymes s’insèrent dans les habitudes des paysans berrichons. Martine, Marie, Bénédicte, Jeanne, Catherine, Isabelle, Laurence côtoient des filles connues sous des presque-surnoms comme Douce, Amoureuse, Belle, Bonne, Brune, Mignerone, Reine ou Rose. Je trouve aussi un diminutif de Guillaume, Guillemette.

La plus curieuse évolution date du milieu du XIIIe siècle où commence à apparaître un usage encore pratiqué au XXIe siècle dans certaines couches de la société: précéder un nom (ou un surnom féminin) de l’article « la ».

La Salemonde, la Ribaude, la Molette, la Blanche, la Chebite, la Rugnone, la Grognete sont un modèle que j’observe jusqu’au milieu du XVe siècle - je n’ai pas cherché au delà.

Très curieux, ce surnom attribué à une paysanne vivant en 1270: Petite vache, que je ne sais comment interpréter.

 

© Olivier Trotignon 2024

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7 décembre 2022 3 07 /12 /décembre /2022 10:30

 

Comme toujours, les Journées du Patrimoine 2022 ont été pour nous l’occasion de découvrir des éléments de patrimoine difficilement accessibles ou peu connus. J’avoue avoir ignoré jusqu’à ces dates l’existence, dans les réserves du Musée de la batellerie du Veurdre, dans l’Allier, de deux pirogues monoxyles, l’une du XIIe, l’autre du XIIIe siècle, trouvées dans les sables de la rivière toute proche.

Sauf erreur de ma part, les deux embarcations ont été façonnées dans des troncs de chênes, mais ce détail est à confirmer.

La première, longue de plusieurs mètres, est loin d’être complète, mais demeure un vestige de très grand intérêt. Sa « coque », assez mince, a été érodée par le travail de la rivière. Elle demeure, pour un regard habitué, bien reconnaissable.

 

La seconde est d’un modèle surprenant. Courte, peu profilée, prévue pour un seul passager, elle aurait, malgré son aspect massif, une bonne capacité de manœuvre, mais on se doute qu’elle n’était pas prévue pour effectuer de longues distances.

 

Ce genre de découverte reste rare. Tous les amateurs et professionnels de l’Archéologie sont attentifs à la présence, dans les sédiments des rivières, de restes de bois travaillés par l’Homme, du Néolithique jusqu’à la Révolution industrielle et même, parfois, au delà.

Ces pirogues nous rappellent que nos rivières, même de faibles débits, étaient à la fois des obstacles et des lieux de passage, mais étaient aussi exploitées pour la circulation de lourdes charges, la flottaison de trains de bois, l’entrainement de moulins, la mise en eau d’écluses à poisson… Toutes ces activités essentielles nécessitaient de multiples interventions humaines dont une partie ne pouvait être réalisée qu’à partir d’embarcations légères, semblables aux pirogues du Veurdre.

Que faire si, au cours d’une promenade, d’une partie de pêche, on découvre des vestiges de pirogue, médiévale ou non? D’abord, ne pas y toucher. Le bois peut être fragile. Ensuite, en faire des photos, et relever avec précision le gisement. En dernier lieu, avertir la DRAC de la région concernée. Une grande discrétion est de rigueur, pour éviter des gestes malheureux de la part de collectionneurs prêts à tout et surtout à n’importe quoi pour faire parler d’eux sur cette plaie que sont les « réseaux sociaux ».

Je ne peux clore ce billet sans vous recommander le très intéressant musée de la batellerie du Veurdre, lieu associatif d’une qualité rare. Certes, le Moyen-âge y est peu évoqué, mais les collections et la richesse des commentaires qui les accompagnent vous séduiront, à coup sûr.

http://lachavannee.com/wp/

 

© Olivier Trotignon 2022

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22 mars 2020 7 22 /03 /mars /2020 09:46

 

L’étude des textes antérieurs à la période féodale conservés dans les cartulaires berrichons révèle, en matière d’anthroponymie, plusieurs habitudes des populations locales.

La règle la plus commune est l’attribution aux individus d’un nom à un seul élément. Des vicomtes de Bourges aux paysans les plus humbles des campagnes du Berry, tout le monde, hommes et femmes, est identifié par un nom sans précision de lieu ni de lien familial. Seul les clercs conservent parfois leur titre, comme celui d’abbé.

Cette coutume, observée dans de nombreuses régions françaises, a eu pour conséquence d’obliger les parents à trouver des formules pour éviter à leur descendance des problèmes d’homonymie. Deux choix s’offraient à eux :

- puiser dans un répertoire antique, ancien et nouveau Testaments compris ; ou

- s’inspirer des traditions contemporaines.

Pour se référer à des textes, il faut être capable de s’en procurer et de savoir les lire, apanage d’une minorité de lettrés. Ceci explique peut-être la faible part de noms à consonance latine ou biblique constatés dans les textes (Vigilius,Damianus, Lazarus, Apollonius, Salomon…).

A une majorité écrasante, les noms contemporains et postérieurs à la période carolingienne sont composés de deux radicaux d’essence germanique réunis pour former une expression à connotation valeureuse ou guerrière, selon un principe familier aux linguistes, et qui semble avoir été la norme bien longtemps après la fin des invasions. Il n’est par contre pas du tout sûr que la valeur totémique de certains de ces noms ait eu encore un sens au moment où ils ont été employés. Rien ne prouve qu’un villageois nommant son fils Bernard ait pensé à un ours fort en le faisant baptiser.

J’ai choisi de vous présenter une liste d’anthroponymes construits autour de la racine Berht « brillant, illustre » relevés au hasard de la documentation.

 

De 800 à 850 :  Alivertus, Azibertus, Cunebertus, Garibertus, Gerbertus, Vibertus, Vygobertus ;

de 850 à 900 : Egembertus,Godebertus ;

de 900 à 950 : Agelbertus, Gislebertus,  Guitbertus ;

de 950 à 1000 : Tetbertus, Teobertus,Umbertus, Unibertus.

 

Le premier âge féodal ajoute de nouveaux noms à la liste :

XIe siècle :  Ambertus, Aldebertus, Ermenbertus,  Ragimbertus/Raginbertus, Winebertus ;

XIIe siècle : Haimbertus, Arembertus, Guinebertus, Gumbertus, Jobertus/Josbertus, Nacbertus, Obertus, Odevertus,Oldebertus, Raimberdus, Uldevert,Wibertus ;

un seul patronyme,  Ildebertusest identifié au XIIIe siècle. Petit à petit, les noms romans se multiplient, et des formes nominales comme Pierre, Jean, Etienne ou Guillaume occupent de plus en plus de place dans les choix familiaux.

© Olivier.Trotignon 2020

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21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 10:39

prostituée

 

Mes récentes recherches sur la maison close de Saint-Amand et la conférence qui les a conclues m'ont amené à m'interroger sur le phénomène de la prostitution en Berry à l'époque médiévale. Les lignes qui suivent n'ont pas la prétention de faire la somme des connaissances sur la question, juste de présenter quelques exemples qui échappent à l'anonymat documentaire.
Autant la pression réglementaire de la Troisième république avait codifié à l'extrême le commerce de la chair féminine, autant la prostitution médiévale semble générée par la mauvaise fortune des unes et des autres, selon les circonstances. Des filles sont livrées aux clients par leurs pères, des femmes par leurs conjoints, la misère, le passage d'hommes de troupe suscitent des vocations forcées. Les quelques exemples trouvés permettent tout de même d'ébaucher quelques grandes lignes directrices.
Je n'ai à ce jour trouvé aucune mention de maison de débauche organisée dans la région, ce qui ne signifie nullement qu'il n'en existait pas, juste que je n'ai pas ouvert les sources adéquates. De même ne semble t-il pas avoir eu en Berry d'hôpital des filles-Dieu, comme à Auxerre, établissement cité sur le testament de Renaud de Montfaucon et Charenton. Le métier s'exerçait sur les champs de foire, sur le bord des chemins, dans des auberges, dans les étuves des villes importantes, à domicile voire dans des églises, comme nous le verrons plus bas. Si elle n'est pas entendue comme une activité criminelle, la prostitution est criminogène, ce qui permet d'en identifier des occurrences dans des chroniques ou des actes judiciaires.
Les clients se reconnaissent dans trois catégories principales: manœuvriers et charretiers, hommes de guerre et ecclésiastiques.
Plusieurs cas de crimes commis sur les bords de route sont connus.
Jean  Coquerant, charretier, avec la complicité d'un ami, tue à Clémont, à la fête saint Hippolyte, un homme qui voulait l'empêcher d'enlever une prostituée qui tenait compagnie à un autre charretier. A la même époque, une rixe éclate chez Jean Guiot, tavernier à La Borne, au sujet d'une "femme de chemin". Durant, valet charretier, y perd la vie (avant 1486).
Les soudards, nombreux à la fin du Moyen-âge sont fréquemment impliqués dans les affaires criminelles concernant la fréquentation de filles de joie. Dès la fin du XIIe siècle, la bande des Brabançons, défaite vers Dun-sur-Auron, traînait dans son sillage des filles à soldats, vêtues de pièces de vêtements arrachées sur des ornements sacerdotaux. Avant 1443, Janac Carret, homme de guerre, en compagnie d'un complice, force de nuit la porte d'un habitant de Saint-Saturnin, dans le sud du Cher, pour lui reprendre une prostituée. Vers 1454, Gounin Le Bouc, homme d'arme du roi, est tué par deux valets de Menétréol-sous-Sancerre, pour avoir refusé de leur céder la prostituée qui était avec lui. Quelques années plus tard, le dit Gros Guillaume, archer de la compagnie du comte de Dammartin, tue un archer d'une autre compagnie, logé comme lui à Massay, dans une dispute à cause d'une femme de mauvaise vie. La vie d'errance, une solde permettant d'avoir sur soi de quoi s'offrir du bon temps, l'exercice des armes et de la violence favorisent les relations entre femmes vénales et hommes d'armes.
Moins conventionnels sont les rapports qu'entretiennent certains prêtres avec la sexualité en général et l'amour vénal en particulier. Le désordre spirituel qui règne dans certaines églises au début de la Renaissance franchit des seuils surprenants, même si des affaires plus anciennes sont connues, comme celle de cette proxénète bannie du Berry pour avoir tentée de livrer une fille à un chanoine, avant 1358. Juste un siècle plus tard, à Crevant, dans l'Indre, éclate une curieuse affaire. Sans doute lassé par l'immoralité de deux clercs de sa seigneurie, un écuyer, Jean de La Lande, organise l'assaut de la maison de deux prêtres de mauvaise vie et incorrigibles entretenant des prostituées chez eux. A Mehun-sur-Yèvre, c'est Thomas du Fo, dit Grosseteste, qui tue un prêtre en s'introduisant, de nuit et par ruse, chez lui, pour y enlever une prostituée (avant 1486). Plus circonstancié encore est le cas de Jean Melin, dit Le Pape, jeune fauconnier au service du seigneur de Bommiers, qui tue un cordonnier, frère d'un barbier d'Issoudun, qui refusait de lui laisser prendre la prostituée qu'il avait amenée à Issoudun pour un chanoine (avant 1490). A Bricy, un prêtre et sa concubine font "bourdeau", autrement dit bordel, dans l'église elle-même.
De simples clients à proxénètes, des hommes d'église dessinent de leur sacerdoce une image qui viendra, avec d'autres, ouvrir grandes les portes de la Réforme.
D'autres cas, plus banals, comme celui de ce meurtre au cours d'une dispute concernant une fille de joie à Sury-en-Vaux vers 1485 soulignent l'existence d'un commerce de la chair dans des bourgs ruraux éloignés des centres urbains dans lesquels la prostitution, peut-être mieux encadrée par les souteneurs qui en vivent, fait, au demeurant, un peu moins parler d'elle dans les archives judiciaires.
 

© Olivier Trotignon 2013

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 21:45

clé1

Voici une série d’objets que j’ai choisi de vous présenter pour le seul plaisir de rendre accessible des produits de fouilles anciennes en général totalement ignorés du public.

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La campagne de récolement des collections du musée municipal  de Saint-Amand touche, en ce qui me concerne, à sa fin. Tout en contribuant à l’identification d’objets d’origines et d’époques diverses (du paléolithique inférieur à la Renaissance), il m’est arrivé de manipuler des pièces déjà inventoriées. C’est ainsi que dernièrement, au fond d’un carton contenant divers vestiges métalliques est apparue une jolie série de clés antiques et médiévales constituant un dépôt ancien du musée du Berry, à Bourges, concédé au musée municipal.

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Ces objets ont été stabilisés par un traitement chimique qui a fixé la rouille et empêché la corrosion de s’étendre. Ceci leur donne un aspect brillant peu naturel mais qui est la preuve de leur bonne conservation. Chaque pièce est identifiée par un numéro d’inventaire qui permet de connaître les circonstances de leur découverte. Je n’ai pas voulu faire perdre du temps au personnel du musée en lui demandant de ressortir les fiches correspondantes car il est plus que probable que le lot proviennent de fouilles anciennes sur le site antique et médiéval de Drevant, près de Saint-amand-Montrond.

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Mon choix ne repose sur aucun autre critère que la qualité esthétique de ces clé de fer forgé qui démontrent la dextérité des anciens forgerons.
J’espère que cette galerie constituée au hasard des réserves archéologiques plaira aux amateurs d’arts du feu, et à tous ceux moins habitués au son du marteau sur l’enclume...

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​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 07:37

Bannegon-cheminée

Pauvrement armé de mon petit appareil-photo numérique qui sert à illustrer la plupart des articles de ce blog, j'ai pu, il y a plusieurs mois, découvrir une véritable rareté: la cheminée sarrasine du château de Bannegon, dans le sud du Cher.
Je ne crois pas utile de m'attarder sur le cas de cette forteresse rurale dont la réputation n'est plus à faire.
Pris dans une visite organisée du monument, je n'ai pas été entièrement libre de mes mouvements et de mon temps et n'ai fait qu'un bref passage dans la cuisine du château et n'ai pu prendre qu'une mauvaise photo d'un dispositif aussi rare qu'impressionnant. Les bâtisseurs de cette partie domestique, qui semble remonter au XIIIe ou XIVe siècle ont fait le choix d'équiper la cuisine d'une haute cheminée centrale pyramidale, d'un type connu sous le qualificatif de sarrasine, conduisant la fumée des foyers vers une souche rectangulaire située à une bonne dizaine de mètres du sol, étayée par deux étresillons cintrés dont les détails sont difficiles à percevoir à cause du contre-jour. Le tirage se faisait donc de manière naturelle par ce vaste collecteur.
L'intérêt du dispositif est de mettre à disposition des habitants du château un grand fumoir dans lequel pouvaient être suspendues toutes les denrées qu'on avait besoin de conserver.
Nous ne connaissons pas tout des châteaux du Berry, certains étant sévèrement ruinés, mais je n'ai jamais entendu parler d'une autre cuisine conçue sur le même principe dans la région.

Bannegon-ensemble

Il s'agit là d'un indice intéressant sur l'économie domestique féodale sur laquelle nous ne sommes en général renseignés que par la littérature et l'archéologie.
La forteresse de Bannegon abrite d'autres éléments architecturaux et artistiques remarquables. Sans être complètement fermée au public, elle n'ouvre que rarement ses portes et seulement, si mes souvenirs sont bons, à des groupes. Le trop faible nombre de touristes dans cette partie de la région rend impossible le maintien sur le site d'une billetterie régulière.

© Olivier Trotignon 2013

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16 février 2013 6 16 /02 /février /2013 10:33

sarcophage

Dans la vaste galerie de représentations préconçues que le grand public peut avoir du Moyen-âge, la peste occupe une place privilégiée. Parmi les malheurs qui ont touché l’Occident au XIVe siècle, l’épidémie de peste bubonique a fait l’objet d’une multitude d’études auxquelles on peine à trouver quelque chose à ajouter.
J’attire néanmoins votre attention sur un effet indirect de la maladie sur le quotidien de certains berrichons, lorsque la peste servait de circonstance atténuante dans les affaires d’homicides.
J’avais, précédemment, rappelé l’intérêt de cette source originale que sont les lettres de rémission, ces actes souverains ayant la faculté d’arrêter le cours de la Justice contre rémunération. Pour alléger le poids de leurs crimes, la majorité des accusés cherchaient (et cherchent encore de nos jours) des arguments pour convaincre leurs juges de ne pas charger trop le plateau de la balance. C’est ainsi que plusieurs meurtriers ont explicitement fait appel à l’épidémie pour insinuer l’irresponsabilité de leurs actes.
L’épidémie semble survenir au début des années 1350. En 1357, on signale l’existence à Bourges d’un hôpital Saint-Julien, dont le nom révèle la destination, saint Julien étant, comme saint Roch, réputé pour combattre le fléau.
Trois cas sont exprimés dans les archives de la justice royale.
En 1351, un boucher de Sancerre est banni par le seigneur du lieu, pour avoir battu et blessé un homme, ensuite mort de la peste.
Deux ans plus tard, c’est à Aubigny-sur-Nère que se manifeste la maladie. Un certain Naudin Rossignol y est accusé du meurtre du Grand Thévenin, pourtant mort de la peste.
Début XVe, en 1416, une dispute entre boulangers de Bourges se rendant au moulin dégénère. l’un d’entre eux est reconnu comme l’assassin d’un de ses confrères, alors que c’est la maladie qui l’a emporté.
Il n’appartenait pas à l’huissier chargé d’enregistrer les déclarations d’exprimer un jugement personnel sur les récits qu’il consignait mais, dans l’immense majorité des cas, les prévenus cherchaient à se faire passer pour des victimes. J’avais étudié une affaire d’homicide, lorsque deux joyeux compagnons, en signe d’amitié et de paix, avaient posé leurs épées au sol avant de se bousculer de manière amicale. Pour une raison incompréhensible, l’arme du meurtrier s’était retrouvée la lame en l’air et son pauvre compagnon s’était embroché dessus par mégarde. Ces contorsions argumentatives peuvent faire sourire, mais nous renseignent surtout sur un point: dans les trois cas évoqués, des meurtriers reconnaissent les actes de violence, mais réfutent que ceux-ci aient provoqué le trépas des victimes.
La peste pouvait rendre bien des services en ces temps difficiles...

© Olivier Trotignon 2013

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 08:24

soulier-1

 

J'attire tout exprès votre attention sur un objet rare exposé dans une vitrine du musée du Berry, à Bourges,et qui n'est pas présenté, malgré l'époque de sa fabrication, avec les collections médiévales.
Visible à l'étage des Arts et traditions populaires, parmi une foule d'œuvres de grande qualité, cette pièce passe parfois inaperçue.
Il s'agit d'une sandale fabriquée pour un pied d'enfant que la tradition identifie comme ayant appartenu au garde-robe de l'ancienne duchesse de Berry Jeanne de France. Le couvent de l'Ordre de l'Annonciade, situé à Saint-Doulchard, aux portes de Bourges, possède l'autre chaussure, que les religieuses conservent précieusement en souvenir de la fondatrice de leur communauté au XVe siècle.
Faite de cuir sur une épaisse semelle de bois, cette sandale est d'une réalisation particulièrement soignée qui exclut complètement qu'il s'agisse d'un soulier ordinaire. Le cuir a subit un délicat travail de dorure au fer et présente quelques reliefs de polychromie. Seul le lacet, élément le plus fragile, est manquant. Le soin apporté à la réalisation de cette chaussure ne peut donc pas vraiment être pris comme une généralité s'appliquant à tout l'artisanat en produits chaussants de la fin de la période médiévale.
Cette sandale peut être un bon prétexte pour se pencher sur la biographie de ce personnage intéressant et, soyons juste, attachant, de l'histoire de France et du Berry que fut la duchesse Jeanne, qui vaut amplement d'autres figures de son temps.
N'ayant jamais travaillé sur ce sujet, je ne me permettrai pas de piller mes confrères pour développer cette biographie. Je recommande néanmoins la consultation des actes du colloque organisé par le Conseil général du Cher en septembre 2002, pour la variété et la qualité des thèmes débattus à propos de l'œuvre de Jeanne de France, devenue sainte Jeanne en 1950, en Berry.

 

soulier-2

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14 mai 2011 6 14 /05 /mai /2011 10:55

Paulnay-fevrier

 

Voici encore une œuvre trop souvent méconnue, dont la réputation n’est pourtant plus à faire auprès des historiens de la période. Il y a plus d’une vingtaine d’années, c’est une universitaire antillaise, invitée à un colloque dans le tout proche château d’Azay-le-Ferron, qui m’avait permis de découvrir le remarquable calendrier de l’église de Paulnay, en Brenne. Ayant eu l’opportunité de repasser par ce village par un temps très lumineux, il m’a été possible de ramener quelques photos de qualité moyenne, l’objectif de mon appareil étant à la limite de ses possibilités. Comptant sur votre indulgence, je vous les présente néanmoins.
La fresque date du XIIIe siècle, et a été peinte sur la voûte de la nef. Les douze mois ne sont pas tous bien conservés et la lecture des images figurant octobre, novembre et décembre est presque impossible dans des conditions normales d’éclairage. Les trois premiers trimestres sont, en revanche, tout à fait lisibles.
Aux scènes habituelles de la vie des champs se mêlent des tableaux plus complexes à interpréter. Janvier est illustré par un personnage à quatre bras, attablé devant un repas. Les quatre gestes sont différents, comme pour traduire l’abondance des mets qui lui sont servis. Avril est figuré par un homme debout, dont la seule activité semble être de se défendre d’insectes tournant autour de sa tête. En mai, un homme à cheval en compagnie d’un oiseau a été interprété comme la silhouette d’un fauconnier partant à la chasse. Des détails curieux, d’énormes clous apparents sous les fers du cheval, rappellent certains équipements observés sur des mules travaillant sur des sols très escarpés.

 

Paulnay-mai

Les autres de scènes agricoles sont plus classiques et ne demandent aucun effort de lecture. Des petits détails nous renseignent sur des outils et techniques paysannes aujourd’hui disparues, comme les proportions d’un fléau, les ceps de vigne buissonnants et non attachés à des pieux, le foulage de la vendange aux pieds dans un cuveau ouvert dans sa partie inférieure, pour laisser écouler le jus de raisin ou encore la forme de la lame des serpettes destinées à tailler les plants.
Afin de ne pas surcharger ce billet par un nombre excessif d’illustrations, je vous propose de retrouver l’ensemble des mois dans une page dédiée exclusivement à Paulnay, sur le lien suivant:


Les neufs mois du calendrier de Paulnay (XIIIe siècle)

 

 

Paulnay-mars

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25 avril 2011 1 25 /04 /avril /2011 09:23

St-Menoux-reliquaire

 

Située au sud de l’ancien diocèse de Bourges, dans l’actuel département de l’Allier, l’abbaye bénédictine féminine de Saint-Menoux était détentrice de plusieurs reliques attribuées à son saint éponyme, conservées dans un curieux reliquaire encore facilement accessible de nos jours. La réputation de ces vénérables ossements est encore aujourd’hui établie tant auprès des croyants que des curieux attirés par le caractère insolite des pouvoirs attribués à cette châsse de pierre: la guérison des maladies mentales et des troubles cérébraux.
Élevée derrière le chœur de l’abbatiale, la structure contenant les reliques se présente sous la forme d’un sarcophage de petite taille, séparée en deux compartiments. Une niche vitrée abrite d’un coté les restes osseux. De l’autre, dans un petit logement situé dans la partie supérieure du sarcophage se trouve une ouverture destinée à accueillir la tête des malades venus implorer l’intercession de saint Menoux pour obtenir leur guérison de toute une palette de maux allant de la migraine à la folie. Certains récits font part de malheureux, maintenus de force la tête dans ce réduit, qui se seraient brisé les dents en se débattant.
Fidèle à une tradition remontant à l’époque où les gens de la contrée parlaient en patois bourbonnais, on continue à nommer le reliquaire de saint Menoux “débredinoire” - qui se prononce soit dé-bre soit dé-ber -dinoire - en référence à ce mot de la langue populaire - le bredin - qui désigne les simples d’esprit. Certains s’y rendent pour le folklore mais d’autres demeurent convaincus des vertus de l’endroit, y menant des pratiques souvent assez éloignées de l’orthodoxie voulue par l’ Église. Il y a une vingtaine d’années, une petite pancarte manuscrite pendue par le curé rappelait l’interdiction de déposer dans la chasse des pièces de monnaie et des épingles, tradition observée autour de certaines fontaines dites miraculeuses de la région.

 

St-Menoux-intérieur

Saint Menoux présente donc, outre l’originalité du petit monument, un intéressant témoignage d’une pratique universelle qui consistait à venir quérir la médiation d’un saint pour obtenir la rémission de pathologies très diverses, pour lesquelles la médecine, aux moyens dérisoires, n’avait aucune solution à proposer. A l’occasion de recherches généalogiques dans des registres paroissiaux, il se trouve parfois des références à des reliques jusque là ignorées dont l’origine peut-être vaticane, mais aussi remonter à un passé totalement opaque. Ces mentions, quelquefois médiévales mais le plus souvent modernes, sont une source précieuse pour qui s’intéresse à l’histoire de la médecine. Saint-Menoux s’inscrit ainsi, et pendant plusieurs siècles, dans une géographie tant sacrée que thérapeutique, que seuls les progrès de la science parviennent à dépasser.
Outre son reliquaire, l’église de Saint-Menoux conserve de beaux chapiteaux romans et quelques restes lapidaires de la même veine. Non loin de Bourbon-l’Archambaud, de la prieurale et du musée de Souvigny, ce lieu peut facilement trouver sa place dans un petit circuit de découverte du patrimoine médiéval du bocage bourbonnais.

 

St-Menoux-sculpture

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Présentation

  • : Moyen-âge en Berry
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Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
- les ordres religieux en Berry au M.A.;
- la femme en Berry au M.A.;
- politique et féodalité en Berry;
- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.