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2 août 2014 6 02 /08 /août /2014 09:33

Sainte-Sévère-porche

 

Quand on chemine dans les rues de Sainte-Sévère, dans le département de l'Indre, notre attention est attirée par la silhouette d'une haute tour aux deux tiers effondrée et de quelques beaux vestiges de fortifications urbaines. Si cette petite cité a décidé de fonder sa réputation sur le personnage du facteur du film "Jour de fête", de Jacques Tati, elle n'oublie pas complètement d'anciennes gloires guerrières qui vinrent, en 1372, au nom du roi de France, reprendre la ville aux Anglais.

 

Sainte-Sévère-porte

 

La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, par Jean d'Orronville, décrit la stratégie adoptée de l'armée française pour réduire la place.
Dans cette campagne qui visait la reconquête de la Guyenne, en passant pas Poitiers, la forteresse de Sainte-Sévère représentait un embarras certain pour les Français. Même si elle ne présentait pas un verrou infranchissable vers l'Ouest, cette cité abritait un contingent ennemi suffisamment solide pour mener à l'arrière des coups de main meurtriers. Sa prise fut donc jugée essentielle et confiée à trois grands capitaines: le connétable du Guesclin, Louis, duc de Bourbon et le comte Louis de Sancerre qui choisirent, explique la chronique, une tactique payante. Au lieu de forcer le rempart berrichon en un seul point par une attaque massive, chaque capitaine fit monter son contingent à l'assaut en trois points séparés, afin de diviser les forces de l'adversaire. Des échelles et du matériel de mine furent mis en œuvre. Fruit du hasard ou de la bravoure particulière des Bourbonnais, ce sont les hommes du duc de Bourbon qui accrochèrent le plus sévèrement l'Anglais et purent s'infiltrer les premiers dans la place. Dépassés, les défenseurs cherchèrent à résister dans la tour dont on voit aujourd'hui le tronc qui domine la campagne (la motte est même citée par le chroniqueur) avant de succomber. Seule une poignée d'hommes fut épargnée, les autres étant déterminés à combattre jusqu'à la mort.
Même si l'ancienne motte et le pied du donjon sont presque invisibles à cause de la végétation qui couvre le site, je pense que les personnes qui s'arrêteront à Sainte-Sévère ne perdront pas leur temps.

 

Sainte-Sévère-tour

 

© Olivier Trotignon 2014

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12 janvier 2014 7 12 /01 /janvier /2014 09:47

casque1

Voici un objet qui intéressera tous les spécialistes -et ils sont nombreux - de l'armement médiéval. Je possède assez peu d'informations sur son compte et ignore si sa découverte a été publiée. Il est visible dans la petite vitrine dédiée à la période médiévale au musée Saint-Vic de Saint-Amand-Montrond dans le Cher.
Il s'agit d'un grand fragment de casque en fer identifié, lors de sa restauration, comme une pièce d'équipement de soldat anglais datée de la Guerre de cent ans. L'originalité de cette découverte tient à la présence d'un crâne humain soudé par la rouille au fond du casque. L'ensemble provient d'une gravière exploitant les sédiments du Cher à Bruère-Allichamps, en aval de Saint-Amand-Montrond. Les granulats étant criblés pour séparer le sable du gravier et des cailloux, quelqu'un eut la chance de récupérer l'objet et de le confier au musée le plus proche.
Il ne serait pas sérieux d'imaginer un scénario expliquant la présence de ce vestige insolite dans les sables du Cher, mais l'observation du contexte historique contemporain de la mort du soldat fournit quelques pistes qu'il convient d'explorer.
L'objet n'est pas daté formellement. Arraché par une drague aquatique au lit de la rivière, il est impossible de l'associer à un niveau archéologique quelconque. La forme du casque a orienté les gens qui l'ont eu en main vers un équipement de soldat "anglais". Si cette identification est valable, il peut s'agir des restes d'un soudard anglais ou gascon venu combattre en Saint-Amandois dans les premières années de la Guerre de 100 ans. La région a été le théâtre de plusieurs épisodes guerriers où se sont affrontés des corps de troupes obéissant aux ordres de chefs fidèles aux rois de France et d'Angleterre. La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, par Jean d'Orronville, cite, entre autres, la reprise de Saint-Amand et du château de Montrond par des capitaines bourbonnais en 1367-68. Notre inconnu était peut-être un de ceux que les épées françaises firent alors passer de vie à trépas.

 

casque-2

 

Comment cet homme est-il mort? Les restes osseux sont trop incomplets pour le savoir. Mort au combat, noyade accidentelle, noyade par représailles - les lettres de rémission de l'époque citent des cas de paysans berrichons et orléannais noyant des prisonniers anglais dans des rivières ou même des mares- il est impossible de se prononcer. Nous remarquerons juste que mort ou vif, la victime est tombée dans le Cher toute équipée. S'il s'agissait d'une tombe de fortune éventrée par une crue de la rivière, on aurait délesté le mort de ses armes avant d'ensevelir sa dépouille.

© Olivier Trotignon 2014

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4 janvier 2014 6 04 /01 /janvier /2014 14:41

La-Crête2

Il existe, sur la commune d'Audes, dans l'Allier, une ruine méconnue et pourtant fort intéressante d'une forteresse médiévale, connue sous le nom de château de la Crête, ou de la Creste. Ce site, d'accès compliqué, n'a rien de touristique et est une propriété privée, aussi n'ai-je pu l'approcher qu'à distance. La récolte d'informations donne néanmoins des résultats intéressants.
La Crête se présente comme un éperon rocheux isolé du plateau qui l'environne par le travail de l'érosion. La mise en eau d'un étang artificiel ne permet pas d'évaluer la profondeur de la vallée ni la topographie initiale, mais ce lieu était un site défensif naturel favorable à l'établissement d'un retranchement. Par certains cotés, il présente des points communs avec le château de la Roche-Guillebaud, dans la vallée de l'Arnon.
Sur place, on observe une plate-forme consolidée par un parement de pierre sèche, portant des vestiges d'au moins deux époques distinctes. Les premiers, des tours rondes, peuvent dater du XIIIe siècle. Les seconds, le reste d'un grand corps de logis flanqué de tours carrées dotées de meurtrières à armes à feu, semble du XIVe ou du XVe siècle. A la jumelle, on remarque que les archères qui équipaient les tours rondes ont été remplacées par des ouvertures compatibles avec des couleuvrines. On aperçoit quelques saillies de latrines. L'ensemble présente un profil caractéristique de ces vieilles forteresses féodales réaménagées à l'époque de la guerre de 100 ans pour devenir autant des résidences confortables que des forts capables de résister à un siège.

 

La-Crête1

Plus au-delà, sur le plateau, sont visibles plusieurs grands murs qui closent des parcelles dont une accueille un château plus récent. En l'absence d'autorisation, je ne me suis pas permis d'aller plus loin que les chemins vicinaux, mais on peut penser à des restes de basse-cour ou de garenne.
L'une des curiosité de la Crête est d'avoir laissé très peu de traces dans les archives. Une des seules occurrences relevées date de 1128 et témoigne de la présence d'un chapelain sur place, peut-être desservant de la chapelle attachée au premier château. Un acte non daté mais produit dans un contexte qui se rapproche du XIIe siècle nous informe de l'existence d'un prévôt à la Crête, tout à fait compatible avec la déclaration d'un seigneur de Culan qui, en 1245, parle de sa maison (domo nostra de Crista) de la Crête.
Cela ne doit pas nous dispenser de chercher d'autres sources, mais ces deux dernières mentions suffisent à expliquer le mutisme documentaire qui entoure cette forteresse. Construite par les Culan, elle était tenue par un officier seigneurial qui en garantissait la garde. Il n'existait donc pas de seigneurs de la Crête qui pourraient être identifiés comme tels dans les chartes médiévales.

La-Crête3

D'autres historiens ont écrit la suite de l'histoire de cette place, beaucoup plus documentée à partir de la Renaissance. Il ne m'appartient pas de m'approprier leurs conclusions.
La Crête, je l'ai dit, est une propriété privée. Il est tout de même possible, avec une bonne carte et une solide paire de chaussures de marche, sans déranger plus que quelques chevreuils, d'avoir un beau point de vue sur une partie de ce château.

© Olivier Trotignon 2014

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 09:21

Ronnet2

 

Dans le sud de la région de Montluçon, non loin de la limite entre les diocèses de Bourges et de Clermont se trouve, dans le village de Ronnet, un monument injustement méconnu du grand public mais qui a attiré depuis longtemps l’attention des archéologues et des historiens.
Sur les vestiges d’une forte motte castrale s’élèvent les vestiges d’un donjon de pierre, tronqué sur une hauteur difficile à estimer, mais qui garde une élévation significative.
Si on s’appuie sur la forme de cette construction, la tour de Ronnet peut être datée de la fin du XIIe ou du XIIIe siècle, comme la majorité des donjons de la région. Celui ci doit son salut à la faible qualité de l’appareillage général, qui inclut peu de belles pierres de taille. Les gens du village n’ont vu aucun intérêt à le transformer en carrière, tout juste l’ont-il éventré à la base pour profiter de la basse-fosse pour ménager un abri pour les animaux domestiques.

 

Ronnet3

 

Le profil général de ce bâtiment témoigne d’un archaïsme rare qui fait tout l’intérêt de ce site. Ses constructeurs ont en fait remplacé un antique donjon de bois datant du premier âge féodal par une tour de même conception, mais imputrescible et insensible à l’incendie, gardant un faible diamètre à la base et un accès par rampe amovible à un étage élevé, comme on en voit encore sur le donjon d’Huriel ou comme il en existait, d’après les gravures modernes, au château de Montrond. Aucune meurtrière n’a été ménagée dans le tronc qui demeure, ce qui confirme le manque de modernisme de l’ensemble, prévu pour abriter un nombre réduit de combattants disposants d’armes défensives puissantes comme des arbalètes, employées à partir du sommet du donjon.

 

Ronnet-tour

 

Ronnet offre donc au visiteur un intéressant exemple du passage dans nos régions des châteaux de bois à leurs successeurs de pierre. Ici, manifestement, les ambitions des architectes ont été limitées à l’imitation d’un modèle symbolique et tactique primitif: symboliser, en conservant la motte comme assise, le caractère souverain et féodal de la tour et assurer la sauvegarde d’un petit nombre de guerriers en cas d’agression.
Ailleurs, les vielles bases féodales ont été soit laissées à l’abandon, soit recouvertes par de puissants châteaux-forts, ce qui donne au donjon de Ronnet un caractère exceptionnel.

 

Ronnet1

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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14 avril 2013 7 14 /04 /avril /2013 09:23

maison-forte2

 

Profitant des précipitations exceptionnelles de ces derniers mois, je suis passé prendre quelques vues de plusieurs restes d’anciennes forteresses de terre et de bois dans le sud du département du Cher, dans l’espoir que les pluies auraient gonflé leurs fossés et donné un peu de relief à des ensembles difficiles à photographier en temps ordinaire. Fidèle aux principes de ce blog, je ne donne aucun repère pour permettre de les localiser afin de ne pas encourager les visites malveillantes...
Le site n°1 se présente sous la forme d’un retranchement fossoyé sans élévation artificielle. Ses concepteurs ont creusé un fossé profond alimenté par un ruisseau qui collecte les eaux de ruissellement sur un périmètre extrêmement difficile à évaluer à cause des bois qui entourent le lieu. La terre retirée des douves a été déposée non pas à l’intérieur du dispositif pour élever sa plate-forme, comme pour une motte castrale, mais vers l’extérieur. Un bourrelet défensif, certainement palissadé à l’origine, constituait un premier obstacle.

 

maison-forte1

 

Le site n°2 est bâti sur le même principe, avec une nuance intéressante. Le lieu est très humide. Le choix a porté sur des fossés plus larges que profonds, remplis par un ruisseau permanent. Pour une raison inconnue, l’alimentation était interrompue cet hiver. Cet aménagement particulier produit une forme défensive étrange, où la superficie de l’aire habitée est de moitié inférieure à celle de ses douves. Là aussi, la terre excavée a été jetée à l’extérieur.
Visuellement, ces forteresses, de plain-pied avec les terrains alentours, sont peu spectaculaires et peuvent échapper à l’attention d’un chercheur passant à quelques dizaines de mètres.

 

maison-forte3

 

L’absence programmée de motte révèle un choix architectural particulier. Nous ne sommes pas sur les ruines d’anciens donjons féodaux, mais de maisons-fortes. En l’absence  de données archéologiques, il est très difficile d’estimer leur surface au sol et leur hauteur, mais la rareté des ruines et des tuiles oriente vers des constructions de bois avec couverture végétale possible (des bardeaux de chênes peuvent résister très longtemps à la pluie). Des fouilles menées sur d’autres sites ont permis de conclure que ces habitations n’étaient pas à proprement parler des châteaux, même si certains lieux ont pu évoluer avec le temps en véritables petites forteresses de pierre, mais des grosses maisons très solides, capables de résister à un coup de main hostile grâce à un armement adapté.
Si je n’ai rien trouvé de précis, à part une allusion au XVIe siècle concernant le site n°1, le site n°2 est mieux repéré dans la documentation régionale et plusieurs actes conservés aux archives du Cher montrent qu’il était la propriété d’une famille de chevaliers et damoiseaux au début du XIIIe siècle. Un testament de 1375 parle du “lieu et manoir de X”.

 

maison-forte4

 

Ces dates concordent avec ce qu’on observe ailleurs. Ces maisons-fortes semblent s’élever à la lisière des grandes seigneuries à un moment ou la croissance démographique permet une exploitation de l’ensemble des terres cultivables. Une petite féodalité rurale prend racine sur des domaines agricoles dont elle fortifie l’assise avec de grosses maisons de bois capables de garantir un minimum de sécurité contre des bandes de pillards toujours à craindre. Les propriétaires sont issus d’une chevalerie rurale probablement de faible extraction, ce qui ne les empêche pas d’avoir des rapports avec les abbayes locales, dont les archives ont conservé leurs noms.
Il est difficile de savoir comment et pourquoi elles ont disparu. On observe toutefois que si la fonction défensive s’est fondue dans le temps, il reste des signes de leur activité agricole primitive: des fermes sont encore exploitées à proximité des vestiges et aucune maison-forte n’est totalement isolée dans la nature.

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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4 janvier 2013 5 04 /01 /janvier /2013 12:51

Prune-au-Pot

 

Il me paraît légitime de réserver mon premier billet de l’année 2013 à un monument qu’on m’a fait découvrir l’été dernier. J’ai pu, à l’invitation des membres de l’association pour la sauvegarde du château de la Prune-au-Pot, faire le tour de la belle forteresse dont ils s’occupent.
Le site de la Prune a la particularité d’être situé à flanc d’un coteau en pente douce, sans intérêt stratégique particulier. Les fossés humides se remplissaient par ruissellement et par porosité de la nappe phréatique, comme on peut l’observer sur de nombreuses mottes castrales ou maisons-fortes construites à l’écart des sommets du relief. La puissance des travaux de construction qui ont abouti à la mise en service de la forteresse ont effacé toutes traces au sol de cet éventuel passé du site, qui n’est pas éclairci à l’heure actuelle, faute d’une documentation suffisante.
La Prune-au-Pot se présente sous l’aspect d’un beau château fort ruiné organisé sur un plan quadrangulaire. Trois des quatre tours initiales sont encore visibles. On note un intéressant système d’accès par pont-levis reposant sur des piliers encore visibles.
Aux dires des membres de l’association (je n’ai pu, pour des raisons de sécurité, visiter l’intérieur de la place), une fontaine située dans la cave de la plus grande tour fournissait aux occupants une eau toujours abondante et certainement d’excellente qualité, ce qui était un avantage appréciable en cas de siège.

Prune-au-Pot-mur

 

Des parties souterraines demeurent inexplorées. Une ouverture en soupirail n’éclaire aucune pièce connue et des mouvements du sol de la cour ont trahi le tassement de probables voûtes de salles basses dont les entrées n’ont pas encore été localisées. L’histoire ancienne du site elle-même est sujette à conjectures. Si la tranche chronologique couvrant une période allant de la Guerre de 100 ans à l’ancien régime est bien renseignée grâce à une documentation suffisante, la période féodale est moins bavarde. L’absence d’abbaye disposant de gros chartriers dans les environs, et l’incertitude sur les premiers propriétaires (qui n’étaient peut-être pas seigneurs résidants et à ce titre n’ont pas produit d’actes locaux) sont des handicaps difficiles à résoudre pour un historien.
Un indice cependant: la Prune est construite sur la rive gauche de la Creuse, en vis-à-vis des domaines appartenant à la large mouvance des seigneurs de Déols. Ce château pourrait avoir des origines politiques plus aquitaines que berrichonnes.
Quelques recommandations, si ce billet vous inspire l’envie de venir faire le tour du site, me semblent utiles à souligner. La Prune-au-Pot est une propriété privée, en ruine et donc potentiellement à risque. Le propriétaire a accepté qu’un chemin de visite soit aménagé autour de son bien, pour faciliter l’accès du public. Cette bonne volonté n’est pas la règle en Berry, soyez donc vigilants à ne pas passer les clôtures même si, et ça se comprend dans un tel site, on a toujours un peu envie d’en voir plus. A proximité de Céaulmont se trouvent Argenton, Gargilesse, Cluis et l’abbaye de Varennes. Le château de la Prune peut être une étape dans un petit circuit de grande qualité qui embrasse une variété rare d’expressions artistiques du Moyen-âge régional.

 

Prune-au-Pot-porte

 

L’association pour la sauvegarde du château de la Prune-au-Pot mérite d’être soutenue dans sa vaste entreprise de restauration du site. Elle est joignable sur son blog.

 

© Olivier Trotignon 2013

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 10:01

basse-cour-fossé

 

Il y a longtemps que je comptais présenter ici un site archéologique d'une nature particulière, dont l'observation permet de nuancer certaines idées reçues sur les mottes féodales. J'ai profité ces derniers jours de conditions d'ensoleillement favorables pour aller prendre quelques photos d'un ensemble sur lequel je tiens à rester discret. Même si nul n'est propriétaire de l'Histoire, le bois dans lequel je me suis introduit est la propriété de quelqu'un de peu conciliant, qui nous avait interdit, il y a quelques années, par lettre recommandée, d'accéder à son bien pour les journées du Patrimoine, lorsque je coopérais avec l'Office de tourisme de Vesdun. L'autre crainte est d'y attirer les prospecteurs clandestins qui épluchent régulièrement ces lignes, si j'en juge la formulation des requêtes qui permettent d'accéder à ce blog.
J'appellerai donc cet endroit "le Bois", ce qui n'est pas très original mais bien suffisant pour ce qui nous intéresse.
Le Bois, donc, se trouve situé dans le tiers sud du département du Cher, non loin d'une voie antique sur laquelle le trafic s'est poursuivi pendant toute la période médiévale et même au delà. Il n'est pas complètement isolé, au moins deux châteaux et deux maisons-fortes se trouvant dans un rayon de cinq kilomètres de ses fossés.
Les photographies que j'en ai ramené manquent de relief à cause du faible contraste dû à la végétation, et seul, il n'est pas facile de prendre des mesures et de faire un croquis de situation, mais au sol, on perçoit des vestiges très curieux. Le site s'organise comme un ensemble classique motte et basse-cour, à la nuance près que le retranchement seigneurial n'est pas une motte, mais une sorte d'enceinte trapézoïdale en partie cratériforme. Des fossés délimitent ce retranchement, mais, à part la terre issue de leur terrassement disposée en anneau autour de terre-plein central, aucun apport significatif de remblais extérieur, comme sur les grosses mottes castrales de la région, n'a eu lieu.

 

basse-cour-mur

 

 

A quelques mètres, avec juste le fossé entre les deux s'étend ce qui peut être vu comme une basse-cour de plusieurs centaines de mètres-carrés conçue sur le même principe (fossé défensif et bourrelet de terre intérieur) mais avec plus de détails apparents. On relève par exemple des reste de murs d'enceinte en pierre sèche, des formes géométriques sur le sol (maisons? silos? chapelle?) et le reste d'un puits de pierre sèche assez bien conservé. A quelques pas se trouve une petite carrière de pierre qui est peut-être le lieu d'où ont été extraits les matériaux de construction. D'autres formes régulières, d'anciens fossés, apparemment, sont visibles plus loin dans le sous-bois mais seul, il n'est pas possible de faire un balisage efficace du périmètre.

 

basse-cour-puits

 

Le site du Bois n'a jamais été fouillé et ne peut être daté avec précision. Toutes les apparences le rattachent au premier âge féodal, qui domine le XIe siècle et je n'ai trouvé aucune trace de son existence dans les quelques archives dont on dispose, ce qui laisserait penser qu'il avait été abandonné au XIIIe siècle, mais les arguments sont très approximatifs. Des micro-forteresses de terre et de bois conçues sur les mêmes principes existent encore à la guerre de 100 ans. L'absence de motte peut être interprétée comme l'indice que ce village n'était pas aux mains d'un chevalier, ce qui complique encore son identification dans les textes médiévaux. Rien n'explique son abandon. L'étude des cadastres et des photographies aériennes montre que beaucoup de bourgs actuels se sont développés à partir d'une base défensive comparable aux vestiges du Bois. Dans le cas qui nous intéresse, le bourgeon initial n'a pas évolué, ce qui rend d'autant plus précieux ce genre de vestige car, bien fouillé, il pourrait nous documenter sur des structures paléo-urbaines bouleversées presque partout ailleurs.
Les gens du Bois ont-ils été victimes d'événements malheureux ou tout simplement ont-ils émigré vers un village plus prometteur? Disons juste que le lieu où ils ont vécu reste plein de promesses pour leurs (lointains) descendants.

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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 09:56

Villentrois-1

 

Le château de Villentrois, dans le nord du département de l’Indre, compte parmi les plus belles ruines qui témoignent du passé féodal de la région. Même s’il est une propriété privée, il est possible de l’approcher d’assez près à partir de la voie publique pour observer la majorité des structures en élévation.

 

Villentrois-2

 

Je n’ai personnellement jamais travaillé sur ce fief, trop écarté de ma zone d’étude et surtout, inscrit dans la mouvance des comtes d’Anjou. Seule une ou deux notes prises au hasard de mes dépouillements d’actes antérieurs au XIVe siècle rappellent qu’un seigneur du nom de Foulques tenait la place en 1230 (cartulaire de Levroux). En 1260, c’est un simple damoiseau, Goffridus, qui se déclare seigneur de Villentrois et rend hommage à l’archevêque de Bourges, comme des dizaines d’autres féodaux dans l’ensemble du diocèse.
N’ayant pas pour habitude de m’approprier les conclusions de mes confères, je laisserai donc au lecteur le soin de se documenter par lui-même sur l’histoire de ce site qui, me semble t-il, et de mémoire, a joué un rôle important pendant les troubles de la Guerre de cent ans. C’est de cette époque que date l’actuelle forteresse, élevée comme beaucoup d’autres, dans de calcaire blanc de la zone ligérienne auquel nous sommes si peu habitués dans nos régions qui tutoient le Massif Central.

 

Villentrois-3

 

Si je n’ai pu me rendre sur le site, je me suis un peu attardé dans les rues avoisinantes, qui révèlent quelques beaux éléments d’architecture contemporains du château. Il existe en particulier une falaise percée de troglodytes d’apparence très ancienne.
Il est regrettable que ce joli monument soit si peu indiqué, à quelques minutes du château de Valençay. Puissent ces quelques lignes inciter les amateurs de belles constructions militaires à le noter sur leurs projets de voyages.

 

Villentrois-4

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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 09:35

Cluis-poterne

 

Vieille, très vieille forteresse que celle de Cluis, dans le sud de l’Indre. je ne dispose pas de toute la documentation nécessaire pour en parler de manière plus approfondie, mais un acte des alentours de l’an 1000 témoigne de la participation du seigneur du château de Cluis au siège de Saint-Benoît-du-Sault, lors d’une de ces multiples petites guerres privées qui émaillent le premier âge féodal. Seigneur et château, dans ces temps éloignés, sont des indices de l’importance politique et militaire de la place, alors simplement concrétisée dans le paysage par une grosse motte castrale portant une tour de bois, plus tard remplacée par un donjon circulaire dont les ruines dominent encore la place.

 

Cluis-motte-et-donjon

 

Jusqu’au XIIIe siècle, période à laquelle je cesse mes recherches, les seigneurs de Cluis ont été présents à de nombreuses occasions à des événements importants ayant marqué l’histoire du diocèse: fondation de Neuvy-Saint-Sépulchre, dotation des abbayes de Noirlac, Aubepierre, du prieuré d’Orsan plus quelques actes de violence à l’encontre des monastères régionaux, comme bien d’autres féodaux.
Il demeure de cet ensemble fortifié des ruines impressionnantes, dont celles d’une forte poterne. Entourant une vaste place d’arme gardant la trace de la carrière qui a fourni une partie des pierres de construction, une longue enceinte garnie de tours vient buter sur le donjon. On peut y observer les restes de la chapelle castrale dans les murs et d’un logis seigneurial édifié, d’après la forme des encadrements de fenêtres, à la fin de la période médiévale.

 

Cluis,-cour-intérieure

 

Outre son intérêt historique et archéologique, le site de Cluis offre une ouverture pédagogique adaptée à la découverte du Moyen-âge pour des classes de primaire (avec un bon encadrement, l’endroit pouvant être dangereux pour des gosses turbulents). L’an dernier, lors de mon passage sur place, des travaux de consolidation des murs étaient en cours, avec un soucis réel de pratiquer des restaurations qui ne jurent pas avec les anciennes maçonneries, détail appréciable et apprécié.

 

 

The fortress of Cluis

Die Festung von Cluis

forteresse de Cluis

la fortezza di cluis

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 10:25

Culan-par-Chastillon

 

Sans doute l’un des lieux les plus photographiés du sud de la région, la silhouette du château médiéval de Culan est malheureusement privée de sa pièce maîtresse, son donjon, détruit après les guerres de la Fronde dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Sous le pic des démolisseurs disparaissait un monument défensif qui manque aujourd’hui, avec plusieurs autres ayant subi le même sort, au patrimoine militaire berrichon.
Témoin de l’élévation dans la hiérarchie féodale de la famille de Culan, le château fut construit au XIIIe siècle sur l’emplacement d’une motte castrale antérieure élevée au XIe siècle, au moment où la famille de Déols installa un cadet de famille de ses vassaux de Lignières pour occuper la limite orientale de son territoire. Sans être d’une richesse exceptionnelle, les Culan trouvèrent néanmoins les ressources suffisantes pour élever une forteresse dotée d’un donjon, symbole du grade de seigneur obtenu par ces chevaliers quelques décennies auparavant.
Un captivant dessin de Claude Chastillon, qui a parcouru le Berry au temps du roi Henri IV, montre le château intact et permet, par comparaison avec les parties encore existantes, d’imaginer la grosse tour disparue.

 

Culan-détail

 

Comme tous les donjons de l’époque, et ce n’est pas une surprise, le donjon de Culan était cylindrique avec probablement un élargissement à sa bases comme on en observe sur les tours intactes. Si les proportions ont été respectées par le topographe, sa hauteur ne semble pas avoir été excessive et sa toiture dépasse, sans franchement le dominer, le reste de la citadelle. A l’époque de Chastillon, il semble que les toitures avaient été reprises car les détails que donne le dessin permettent de distinguer d’anciens mâchicoulis sur lesquels repose la base de la charpente du toit, lui même agrémenté d’un lanterneau d’allure fort peu médiévale. L’arrivée, comme partout ailleurs, des armes à poudre, a rendu obsolètes nombre d’aménagements défensifs prévus pour des armes blanches. Culan n’a pas échappé à cette évolution normale de ces grands châteaux médiévaux en demeures seigneuriales plus confortables et à l’apparence moins martiale, en sécurité derrière la gueule de leurs mousquets et de leurs couleuvrines.

 

Culan-vue-de-face

 

Privée de sa poterne et de son donjon, la forteresse de Culan n’est plus que l’ombre du puissant ouvrage que ses châtelains commandèrent à l’époque des Croisades. Les beaux restes qui s’élèvent sur les pentes de l’Arnon permettent, avec un peu d’imagination, de restituer les volumes disparus.

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Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
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Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.