Quand on chemine dans les rues de Sainte-Sévère, dans le département de l'Indre, notre attention est attirée par la silhouette d'une haute tour aux deux tiers effondrée et de quelques beaux vestiges de fortifications urbaines. Si cette petite cité a décidé de fonder sa réputation sur le personnage du facteur du film "Jour de fête", de Jacques Tati, elle n'oublie pas complètement d'anciennes gloires guerrières qui vinrent, en 1372, au nom du roi de France, reprendre la ville aux Anglais.
La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, par Jean d'Orronville, décrit la stratégie adoptée de l'armée française pour réduire la place.
Dans cette campagne qui visait la reconquête de la Guyenne, en passant pas Poitiers, la forteresse de Sainte-Sévère représentait un embarras certain pour les Français. Même si elle ne présentait pas un verrou infranchissable vers l'Ouest, cette cité abritait un contingent ennemi suffisamment solide pour mener à l'arrière des coups de main meurtriers. Sa prise fut donc jugée essentielle et confiée à trois grands capitaines: le connétable du Guesclin, Louis, duc de Bourbon et le comte Louis de Sancerre qui choisirent, explique la chronique, une tactique payante. Au lieu de forcer le rempart berrichon en un seul point par une attaque massive, chaque capitaine fit monter son contingent à l'assaut en trois points séparés, afin de diviser les forces de l'adversaire. Des échelles et du matériel de mine furent mis en œuvre. Fruit du hasard ou de la bravoure particulière des Bourbonnais, ce sont les hommes du duc de Bourbon qui accrochèrent le plus sévèrement l'Anglais et purent s'infiltrer les premiers dans la place. Dépassés, les défenseurs cherchèrent à résister dans la tour dont on voit aujourd'hui le tronc qui domine la campagne (la motte est même citée par le chroniqueur) avant de succomber. Seule une poignée d'hommes fut épargnée, les autres étant déterminés à combattre jusqu'à la mort.
Même si l'ancienne motte et le pied du donjon sont presque invisibles à cause de la végétation qui couvre le site, je pense que les personnes qui s'arrêteront à Sainte-Sévère ne perdront pas leur temps.
© Olivier Trotignon 2014