Pour beaucoup, lorsqu’on évoque le mot “Sully”, se forme l’image d’une sorte de sage barbu le cou enserré par une fraise à la mode du temps d’Henri IV, fidèle à la culture héritée du patient travail nos anciens instituteurs. Pour un historien du Berry, ce nom propre éclaire une partie du passé de sa région, à une époque où le paysage féodal était en passe de se composer.
Sully est une seigneurie ligérienne proche de l’Orléannais, qui a su dès l’aube du XIe siècle, se fixer dans le nord de l’actuel département du Cher, aux Aix et à la Chapelle. Ces deux bourgs sont associés au cours du XIIe siècle au patronyme d’un de leurs seigneurs, Gile, ou Gilon de Sully. Ils deviennent ainsi les Aix et la Chapelle du sire Gilon, dominus Gilo, en latin, et dam Gilon, en langage de l’époque. Ainsi se forme les toponymes encore en usage aujourd’hui.
Ces premiers pas en Berry s’accompagnent de l’édification de mottes castrales autant pour garantir la sécurité des nouveaux arrivants que d’affirmer leur souveraineté sur leurs terres et ceux qui les cultivent. L’une d’elle, entourée de haies pour renforcer son efficacité, comme c’est le cas ailleurs dans la région (les textes citent une haie du seigneur de Lignières près de Chezal-Benoît, au XIIe siècle), donne son nom à la ville des Aix-d’Angilon: Haia domini Giloni, la haie du seigneur Gilon.
Très vite, se pose la question des cadets de famille, qui n’héritent pas du pouvoir de leurs aînés, mais qui réclament une terre pour y vivre. Les deux villages, les Aix et la Chapelle, sont accordés comme apanages à certains d’entre eux. A Sens-Beaujeu, en Sancerrois, c’est une branche des Sully qui reçoit la terre en fief, et qui y prospère. On peut admirer l’effigie d’un de ses seigneurs sur une dalle funéraire conservée dans l’église de Méry-es-Bois, objet d’un billet sur ce blog il y a quelques années. Sur le territoire de cette commune se rencontrent les vestiges d’une “motte-Seuly”.
L’emprise des Sully ne se limite pas au Haut-Berry. Au cours du XIIIe siècle, cette famille réussit son implantation en Boischaut, profitant du démembrement de l’ancienne seigneurie de Charenton, tombée en quenouille. Bruère-Allichamps, Orval, Epineuil entrent dans l’orbite de la grande seigneurie ligérienne, qui devient protectrice des moines de Noirlac, succédant ainsi aux anciens Charenton. Tout près d’Epineuil, la petite cité fortifiée de Vallon-en-Sully porte leur nom.
Bourges accueille aussi des fils de cette famille, mais sur son siège archiépiscopal, cette fois. Sully donne quatre archevêques à la ville: Henri de Sully. 1183-1199, Simon. 1218-1232, Jean. 1261-1272 et Guy. 1276-1280. C’est au temps du premier d’entre-eux que commencent les travaux qui donnent le jour à l’actuelle cathédrale.
© Olivier Trotignon 2013