Dans un état de conservation remarquable, le gisant du chevalier Guillaume de Naillac est une pièce incontournable du riche patrimoine du sud du département de l’Indre. Conservée dans l’église de Gargilesse, cette dalle funéraire a été réalisée dans la seconde moitié du XIIIe siècle pour sceller la tombe du seigneur du lieu, ancien croisé, décédé en 1266.
Guillaume n’est pas inconnu de l’histoire régionale. Fils du chevalier Hugues de Naillac, lui même seigneur de Gargilesse, il se reconnaît vassal de Guillaume de Chauvigny, seigneur de Châteauroux en 1229. En 1254, accompagnant son seigneur, il participe à la chevauchée du comte d’Anjou en Hainaut. Ses armes - deux léopards d’argent sur fond d’azur - sont décrites dans l’armorial Bigot. En 1261, avec Pierre, son fils, lui aussi chevalier, il se déclare homme-lige de l’archevêque de Bourges, qui avait des droits sur Gargilesse. D’autres actes mineurs conservés aux archives départementales de l’Indre et du Cher, ont été souscrits à son initiative, ou le citent.
Membre d’une petite féodalité rurale solidement implantée dans le sud du Berry, Guillaume de Naillac a voulu laisser de son séjour terrestre l’image d’un noble de son temps, les pieds posés sur un chien, tête nue et longue chevelure, en robe de chevalier ceinte et fermée par une grande fibule. Son épée, au pommeau crucifère et à la poignée de corde, repose à son coté gauche, dans son fourreau. Une aumônière pend à sa ceinture.
L’épitaphe en latin n’a pas été sculptée à plat, mais verticalement sur le rebord extérieur de la dalle. Le lapicide, même s’il exécute un travail soigné, fait une faute dans la titulature de Guillaume en le qualifiant de “milles”, ce qui peut indiquer qu’il a obéit à une commande orale ou que celui qui lui a dessiné le modèle n’avait qu’une connaissance approximative du latin.
Le gisant de Guillaume de Naillac, peut-être la plus belle représentation chevaleresque de tout le Berry, a connu une étrange postérité, en entrant, comme nous l’avions déjà évoqué dans un article précédent, dans les traditions populaires locales. Surnommé saint Greluchon, l’image de l’ancien seigneur du lieu, se vit, à une époque où la médecine n’était encore que balbutiante, reconnaître des pouvoirs de fertilité. Les dames venaient, d’après la légende, pratiquer des rites dont je laisse le détail à l’imagination des lecteurs et lectrices, dans l’espoir de connaître un jour les joies de la maternité. Plus sobrement, les visiteurs jettent aujourd’hui de l’argent au pied de la statue, peut-être animés par les mêmes espoirs?
Toute proche des sites de Crozant, de Cluis et de Saint-Marcel, l’église de Gargilesse doit impérativement figurer sur un programme de découverte du patrimoine médiéval de la région.