Pour beaucoup de voyageurs passant de région Centre en Auvergne, elle est un peu la première sentinelle du Bourbonnais. Bâtie dans un grès qui affleure des escarpements dégagés par les eaux du Cher et en partie couverte de bardeaux taillés dans les troncs des arbres poussés au cœur des futaies du massif de Tronçais, l’église d’Urçay semble, dans sa simplicité, prédire le pays qui l’entoure. C’est aussi avec beaucoup de simplicité que ses amis vous accueillent pour la faire visiter, et vous parlent de leurs craintes de voir un jour ce monument être la proie de la ruine. Même si cet édifice est loin d’être le plus intéressant ou le plus beau des patrimoines régionaux, j’ai choisi d’apporter mon soutien à leur action en faisant connaître Urçay au plus grand nombre possible d’amateurs de vieilles pierres.
Curieuse petite ville que ce Urçay. Isolée de la grande route du Sud par le cours du Cher, adossée à l’immense vide humain que représentait la forêt de Tronçais depuis la fin de la présence romaine, cette minuscule cité qui garde la trace d’une ancienne enceinte défendue par des tours, n’avait pas beaucoup d’atouts pour fixer une population. Tout juste accessible par des voies secondaires, sa position sur les itinéraires des grands pèlerinages semble difficile à démontrer.
Son église, pourtant, affiche des dimensions supérieures aux besoins de la population locale. Même si sa paroisse incluait le village de l’Etelon, à plusieurs kilomètres au nord du bourg, on peut se demander si les gens de ce hameau fréquentaient bien son sanctuaire, à cause de la distance entre les deux sites et surtout de la présence d’une chapelle à Changy, à quelques dizaines de minutes à pied de l’Etelon.
Un détail a attiré mon attention lors de la visite qui m’a été proposée lors des dernières journées du Patrimoine. Il existait naguère un puits, aujourd’hui condamné, dans le presbytère accolé au sanctuaire, dédié à Saint-Martin. L’affirmation de la présence de murailles d’origine inconnues révélées par des travaux de voirie autour de l’église peut être un autre indice invitant à se rappeler que la région a connu à l’époque antique la présence de plusieurs sanctuaires des eaux, dont les plus célèbres sont Viljo, en forêt de Tronçais et bien sûr Drevant, en aval d’Urçay, auquel nous avons déjà accordé plusieurs articles sur ce blog.
Sachant que saint Martin fut l’un des évangélistes de la Gaule qui combattit le plus vigoureusement les cultes polythéistes et que de nombreuses fontaines portent son nom dans le secteur, il n’est pas impossible qu’à Urçay, comme à Drevant, se soit produit un glissement spirituel d’un sanctuaire antique vers un édifice chrétien, assurant la pérennité d’un pèlerinage aux origines largement antérieures à la christianisation du Berry. On remarque, sur les murs du portail, la présence de grattages profonds sur une pierre, comme si des individus avaient cherché à soustraire quelques parcelles à l’édifice, pratique courante dans la région qu’on interprète parfois comme le fait de pèlerins en quête de reliques.
Le visiteur saura oublier les épouvantables colmatages de lézardes au ciment gris et à la mousse expansée isolante qui balafrent le mur méridional de la nef pour s’arrêter devant un beau portail polylobé et un clocher clouté de bardeaux. L’intérieur surprend par la puissance des piliers, visiblement promis au soutien d’un gros clocher de pierre qui ne fut jamais érigé.
Merci aux amis de cette église qui m’ont donné envie de parler de ce lieu.