Les deux derniers siècles n’ont pas été tendres avec les bâtiments médiévaux. Laissés à l’abandon, pillés comme carrières de pierre, abattus avec des engins à chenilles, certains ont complètement disparu du paysage, ou ne se présentent plus que comme des amas de ruines informes dans lesquelles seul l’œil du spécialiste parvient à distinguer les plans d’origine.
Voici trois monuments qui ont longtemps appartenu au patrimoine du Berry du Sud jusqu’à leur ruine, saisis par la palette d’artistes locaux qui ont su transmettre par leur peinture des détails irremplaçables, ou juste projeter sur l’ombre de leur souvenir leur sensibilité de peintres.
Le premier tableau appartient aux collections publiques de la ville de Saint-Amand-Montrond, et est exposé au musée municipal. Très intéressante représentation romantique du château de Montrond, cette toile concerne une partie la face sud de l’ancienne forteresse, élevée au début du XIIIe siècle, transformée en château d’agrément conservant sa fonction militaire au XVe, ruiné lors de la Fronde au XVIIe et abattu avant l’arrivée de la photographie. La peinture donne des renseignements sur les séquences de l’abandon de la bâtisse, dont les toitures semblent avoir été démontées sur les parties d’habitation. Le grand donjon datant de la fondation de l’édifice est complètement éventré, laissant voir au moins deux anciens étages au dessus du rez-de-chaussée. Trois tours sont également découvertes dont celle de l’Horloge -la seule qui garde aujourd’hui un peu d’élévation- aussi abîmée que le donjon voisin et celle accolée à la chapelle, dont le tronc est déjà diminué. Les ouvertures éclairant le corps principal de logis sont cohérentes avec l’es informations dont on dispose sur les rénovations de la fin de la période médiévale. Le plus curieux de ce paysage monumental est le bon état de conservation de la chapelle castrale, aujourd’hui totalement rasée, qui avait conservé sa toiture de tuiles et son clocheton d’ardoises au moment où le peintre a posé son chevalet. Les grandes fenêtres en ogives accusent un style gothique conforme avec la période de construction de la forteresse primitive.
Le deuxième tableau provient lui aussi du musée Saint-Vic de Saint-Amand et, tout en étant lui même très intéressant, n’apprend pas grand-chose de plus que les photographies prises du petit château du Vernet, en grande partie intact pendant la Première Guerre Mondiale et démonté depuis pour satisfaire un commanditaire américain. L’enquête, menée par le journaliste Philippe Cros, n’a pas permis d’identifier les étapes suivies par les matériaux récupérés sur le site.
Peinture sur carton par Faustin Blanc
Le troisième tableau est une autre vue, bien moins précise, de la façade du château du Vernet. Appartenant à un collectionneur qui a tenu à rester anonyme, il a été présenté au cours de l’été 2011 dans une exposition d’objets rares et insolites au musée de Saint-Amand. Si le propriétaire de cette toile venait à prendre ombrage de la présence de cette photographie sur ce blog, qu’il soit sûr que je la ferai disparaître sans discuter.
photographie D. Melchers
Une dernière vue, enfin, d’un monument mineur dont la destruction récente a attristé bien des amateurs d’art médiéval. La petite chapelle du prieuré bénédictin de Souage, a connu, faute d’entretien, une lente dégradation qui s’est conclue par un nivellement de ses murs décidé par ses propriétaires. Le site a été pillé, un flou bien peu artistique entoure la récupération de certains éléments d’architecture. La peinture, de l’artiste Heidi Hann, donne une vision objective de l’état du sanctuaire dans les dernières années ayant précédé sa démolition. La photographie de ce tableau m’a été fournie par m. D. Melchers, lecteur de ce blog, que je tiens à remercier pour sa contribution.
Ces quelques portraits de bâtiments disparus laissent imaginer que bien d’autres toiles et gravures, propriété de particuliers, pourraient se révéler utiles à la connaissance du passé monumental de la région. N’hésitez pas à me contacter pour me transmettre des données relatives à ces œuvres, si vous en connaissez.
Olivier Trotignon 2011