Il subsiste, dans la commune creusoise de Leyrat, un intéressant vestige du premier âge féodal. Visible partiellement de la route et surtout observable sur photos satellites, le site castral de la Motte-au-Groing fut, indubitablement, le lieu de résidence d’une des plus anciennes familles chevaleresques du Berry du Sud et du Nord-Est de la Marche.
Nous retrouvons des mentions de ses seigneurs depuis le dernier tiers du XIIIe siècle, période à laquelle un certain Pierre le Groing (Gront, ou lo Gron, dans la langue de l’époque) participa à la refondation du prieuré bénédictin de la Chapelaude, dans l’Allier. Ses descendants s’intéressèrent aussi au sort des abbayes cisterciennes de Bonlieu et des Pierres.
Un autre Pierre le Groing apparaît, bien plus tard, comme exécuteur testamentaire du Seigneur d’Huriel Louis de Brosse, tué à la bataille de Poitiers. Les le Groing portent alors les titres de chevalier ou seigneur. Au début du XVIe siècle, l’un d’eux est qualifié de vicomte.
Si cette famille est bien restée sur place pendant un demi-millénaire, il est évident que le centre de leur pouvoir a connu des modifications qui peuvent expliquer une certaine confusion sur l’interprétation des données archéologiques présentement accessibles.
Nous observons sur place une grande élévation circulaire encore en grande partie entourée de fossés en eau. Cette motte, qu’on peut qualifier de féodale (le terme de seigneur est attesté en 1249 et 1263) est d’une très faible hauteur, sans commune mesure avec les importants terrassements de celles de Saint-Désiré ou d’Epineuil-le-Fleuriel.
Au nord, le cadastre napoléonien révèle une deuxième enceinte fossoyée contigüe à la motte, également entourée d’eau, mais surtout beaucoup plus vaste.
Il me semble qu’on doit reconnaître là non pas une seconde motte (la forme singulier du toponyme : la Motte, ne plaide pas en faveur d’une construction gémellaire) mais plutôt d’une première basse-cour.
L’examen du parcellaire existant permet de constater au Nord-Nord-Est des parcelles citées un ensemble de haies et de chemins formant un tracé vaguement circulaire ressemblant beaucoup aux restes d’une seconde basse-cour, beaucoup plus étendue.
Un schéma se dessine. A l’origine, existaient une motte servant de base à un château de bois, et une basse-cour. Cette a peut-être été arasée pour permettre de construire un donjon de pierre (cette évolution, dans la région, permet aux féodaux de se faire reconnaître comme seigneurs). Il est aussi possible que la vieille motte ait été conservée comme symbole de l’ancienneté du pouvoir de la famille le Groing, et que le château de pierre se soit construit dans l’espace, assez vaste, de la première basse-cour. Un autre château, plus dans le goût du temps, a pu venir remplacer la forteresse féodale à la Renaissance. Le linteau armorié serait un de ses restes.
Le temps a effacé les vestiges de pierre pour ne conserver que les fossés primitifs, utiles comme viviers ou pour faire boire les animaux.
Le site complet de la Motte-au-Groing mériterait une investigation archéologique pour rendre son passé plus lisible.
Le lecteur notera que la motte à laquelle est consacré ce billet est une propriété privée et que son approche est soumise au strict respect de la Loi.
© Olivier Trotignon 2020