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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 11:52

âne-Dun1

 

Les amateurs d’art roman se posent parfois la question de l’identification précise des équidés représentés tenant des instruments à cordes (rotes ou harpes) sur des modillons et des chapiteaux historiés visibles dans certaines églises médiévales. Deux photographies, prises à quelques kilomètres de distance, montrent que l’âne et le cheval ont inspiré de manière égale les sculpteurs du passé. La première provient d’un chapiteau du chœur de l’église de Dun-sur-Auron. Aucun doute possible, avec ses longues oreilles, c’est bien d’un âne dont il s’agit. En revanche, sur la suivante, due à la courtoisie de mon ancien collègue Yves de Goncourt, qui m’a aidé à illustrer ce billet avec son appareil muni d’un bon téléobjectif, on reconnaît, avec ses oreilles courtes et sa crinière tombante, un cheval musicien.

 

cheval-Saint-Amand

 

Le thème de l’âne musicien est très ancien. Une plaque de céramique présentée dans la section des antiquités égyptiennes du musée du Louvre en montre un datant au moins de la période pré-alexandrine. Si l’antiquité gréco-romaine n’a pas développé, à ma connaissance, ce sujet dans ses œuvres graphiques, l’auteur latin Apullée, dans son roman l’Âne d’or ou les métamorphoses, place une lyre face au héros asin de l’histoire. L’âne serait bien, selon certains avis, le point de départ ce ce thème curieux, le cheval ne l’ayant rejoint qu’à la période romane. Un petit repérage dans les édifices cultuels régionaux montre de réelles similitudes entre plusieurs modillons existant dans le sud du Cher. Les églises de Saint-Amand et Chambon, ainsi que le prieuré bénédictin de Drevant portent des sujets presque identiques, qui peuvent avoir été produits par le même artiste ou le même atelier. Les ânes, pour leur part, adoptent une attitude moins rigide et ne sont pas stéréotypés comme leurs cousins chevaux. Lion ou loup (comme à Dun) les rejoignent parfois sous le ciseau des tailleurs de pierre.

 

âne-Dun2

 

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 08:23

Robert-d'Arbrissel1

 

Les personnes qui s’intéressent à l’histoire du Berry connaissent la part qu’occupe la personnalité du bienheureux Robert d’Arbrissel dans l’architecture spirituelle de la région au début du XIIe siècle.
Appelé par un des grand féodaux du Boischaut, Adalard Guillebaud, pour établir sur ses terres un monastère de son Ordre, l’ermite breton vint fonder le prieuré d’Orsan dans lequel il mourut lors d’un ultime voyage en Berry. Embaumé sur place dans l’attente de pouvoir ramener sa dépouille dans la maison-mère de sa communauté à Fontevraud, il demeura à Orsan le cœur du vieil homme, qui devint miraculeux quelques siècles plus tard.
S’il m’est arrivé assez souvent de parler de cette relique dans mes articles et mes conférences, je ne m’étais jamais vraiment posé la question de ce qui advint du corps de Robert, une fois revenu dans son monastère de la région de Saumur. Visitant Fontevraud avec, comme objectif principal de ramener des photos des quatre gisants royaux exposés dans l’abbatiale, c’est presque par hasard que j’ai pu prendre quelques clichés de la sépulture de dom Robert, comme nos paysans le désignaient sous l’Ancien régime, tant elle est simple et peu spectaculaire.
Au ras du sol, près du maître-autel est visible, sous une vitre, l’intérieur du sarcophage de Robert d’Arbrissel. Le sépulcre est vide et la pierre tombale disparue, aussi peu des visiteurs présents se sont attardés autour de ce petit tombeau guère différent de ces sarcophages anonymes que les archéologues relèvent parfois autour des édifices religieux.

 

Robert-d'Arbrissel2

 

Bien que d’un intérêt très réduit en regard des multiples œuvres qui se découvrent au fil de la visite de Fontevraud, la tombe de dom Robert peut être un bon élément de comparaison pour imaginer à quoi ont pu ressembler, à Orsan, les sépultures d’Adalard Guillebaud et de l’archevêque de Bourges Vulgrin, semble t-il l’une et l’autre très dépouillées, si on en croit quelques allusions dans différents textes faisant référence à leur existence.
Les siècles ont effacé à Orsan toute trace du sanctuaire primitif et seules les archives parlent encore de Robert d’Arbrissel et de ses commensaux berrichons. Flâner sous les voûtes de l’abbaye de Fontevraud peut être un bon moyen de se rapprocher, l’espace d’un instant, de cette période.

 

Robert-d'Arbrissel3

 

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 08:37

musée-du-Berry1

 

Le musée du Berry, dans le vieux quartier de Bourges, consacre une faible part de son espace d’exposition à la période médiévale. Cet apparent paradoxe, dans une ville aussi chargée de patrimoine postérieur à l’an 1000, s’explique par la grande richesse et l’excellent état de conservation des vestiges du passé dans la cité berruyère. A Bourges, le Moyen-âge se découvre en parcourant les petites rues plus qu’en se penchant sur des vitrines.
D’autre part, le sous-sol n’a pas livré de mobilier archéologique d’une qualité telle que le service Patrimoine de la ville ait décidé de réorganiser son espace muséographique. Il est donc normal que l’orientation générale de cet établissement soit fixée autour de deux caps principaux: la période gallo-romaine et les Arts et traditions populaires du Berry, difficiles à appréhender sans avoir eu accès à une bibliographie que peu de visiteurs ont lu avant de venir dans la région.

 

musée-du-Berry2

 

Ceci dit, le musée du Berry conserve quelques objets remarquables qui ont tous ou presque fait l’objet de notices singulières dans ces pages.
Outre quelques beaux éléments de parure mérovingiens, on peut insister sur la présence dans l’espace lapidaire antique d’un remarquable sarcophage, dit de saint Chalan, déplacé de Charenton-du-Cher. L’ancienne Sainte chapelle édifiée par le duc Jean de Berry, complètement rasée, a laissé quelques traces sous formes d’éléments de vitraux et de statues.

 

musée-du-Berry3

 

Le musée du Berry, gratuit et facile d’accès, est une étape naturelle dans un parcours de découverte de la cité berruyère.

 

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 08:45

musée-général

 

Les vacances d’été vont être encore, pour beaucoup d’entre nous, l’occasion de visiter de nouveaux monuments dans toutes les régions de France. Il m’ a semblé intéressant de faire le point sur les collections d’objets et d’œuvres de la période médiévale contenues dans les principaux musées du Berry. Je commencerai cette petite série d’articles par celui que je connais le mieux, ayant travaillé à l’inventaire de ses collections: le musée Saint-Vic de Saint-Amand-Montrond dans le sud du département du Cher.
Installé depuis des dizaines d’années dans l’ancienne maison “en ville” des abbés de Noirlac, ce musée subit des contraintes spatiales qui permettent peu d’espace de manœuvre: pièces exiguës, superficie limitée, faible hauteur des plafonds...comme dans tout bâtiment très ancien, l’espace muséographique est réduit, et partagé par les autres époques. Le Moyen-âge n’y occupe qu’une place limitée.
Les objets exposés ne donnent pas de vision synthétique de la période médiévale dans le sud du Berry, mais se présentent comme une collection de pièces curieuses d’origine inconnue, en particulier de jolis coffrets de bois et métal offerts en 1922 par un collectionneur local.
Quelques produits de fouille apparaissent, comme des céramiques et divers petits objets de métal. Des vestiges plus importants méritent l’attention: porte et statues de l’ancien couvent des Carmes meublent quelques espaces. Plus anecdotique, mais qui est une chose assez rare: un casque anglais du XIVe, trouvé dans une sablière sur les bords du Cher, et qui contient encore la calotte crânienne du soldat qui le portait.
La pièce maîtresse de l’exposition permanente reste le très rare gisant de bourgeois anobli du XVe siècle, unique en son genre dans toute la région et peut-être même au delà, qui présente de plus l’intérêt d’être sculpté en cuve. Plusieurs articles de ce blog y font référence.

 

gisant

 

J’ignore si ce billet gardera sa pertinence au delà de la fin d’année 2013. La municipalité de Saint-Amand prévoit une rénovation du musée Saint-Vic à l’horizon pré-électoral 2014. L’absence d’accès pour les personnes à mobilité réduite justifie à elle seule les aménagements annoncés. Malheureusement, aucun chercheur ni spécialiste du patrimoine n’a été invité à assister au comité “scientifique” (j’insiste sur les guillemets) de pilotage du projet, si bien que l’avenir de cette vénérable institution qu’est le musée municipal est pour les historiens et archéologues parfaitement opaque.
Les mois à venir devraient nous permettre, du moins espérons le, d’en savoir un peu plus long sur la question.

 

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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5 juin 2013 3 05 /06 /juin /2013 21:45

clé1

Voici une série d’objets que j’ai choisi de vous présenter pour le seul plaisir de rendre accessible des produits de fouilles anciennes en général totalement ignorés du public.

clé2

La campagne de récolement des collections du musée municipal  de Saint-Amand touche, en ce qui me concerne, à sa fin. Tout en contribuant à l’identification d’objets d’origines et d’époques diverses (du paléolithique inférieur à la Renaissance), il m’est arrivé de manipuler des pièces déjà inventoriées. C’est ainsi que dernièrement, au fond d’un carton contenant divers vestiges métalliques est apparue une jolie série de clés antiques et médiévales constituant un dépôt ancien du musée du Berry, à Bourges, concédé au musée municipal.

clé3

Ces objets ont été stabilisés par un traitement chimique qui a fixé la rouille et empêché la corrosion de s’étendre. Ceci leur donne un aspect brillant peu naturel mais qui est la preuve de leur bonne conservation. Chaque pièce est identifiée par un numéro d’inventaire qui permet de connaître les circonstances de leur découverte. Je n’ai pas voulu faire perdre du temps au personnel du musée en lui demandant de ressortir les fiches correspondantes car il est plus que probable que le lot proviennent de fouilles anciennes sur le site antique et médiéval de Drevant, près de Saint-amand-Montrond.

clé4

Mon choix ne repose sur aucun autre critère que la qualité esthétique de ces clé de fer forgé qui démontrent la dextérité des anciens forgerons.
J’espère que cette galerie constituée au hasard des réserves archéologiques plaira aux amateurs d’arts du feu, et à tous ceux moins habitués au son du marteau sur l’enclume...

clé5

 

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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18 mai 2013 6 18 /05 /mai /2013 07:59

grosse tour de Bourges

 

Voici quelques années, j'étais descendu dans le parking souterrain de l'Hôtel de ville de Bourges photographier les derniers vestiges de l'énorme donjon qu'avait fait élever le roi Philippe Auguste. Ce monument après des siècles à veiller sur la sécurité de la ville, a disparu pendant la Fronde, vaincu par les mines des sapeurs après l'entrée des troupes royale dans la capitale berrichonne.

 

Le donjon royal, dit “grosse tour” de Bourges (18)

 

Je n'ai pas résisté à l'envie de recopier un petit poème satirique publié après les événements qui ont endeuillé la région au milieu du XVIIe siècle. Le texte est conservé dans l'immense fonds de la Bibliothèque nationale, et est accessible à partir du site Gallica, bien connu des historiens.

Autre balade sur la démolition de la grosse Tour de Bourges.

Bourges, la Grosse Tour n'est plus ton gouvernail,
Dans ses plus noirs cachots elle admet le soleil
Depuis que l'on commence à la vendre en destail,
Nous verrons quelque jour si c'est par bon conseil;
A la faire saulter on eut bien du travail,
Mais elle causa plus de pleurs et de de babil
Lors que laschant un pet plus tonnant qu'un fusil,
Elle fut assommer gens d'ut, re, mi, fa, sol,
Et d'autres dont on n'a fait encor le calcul,
Cela n'empesche pas qu'on ne chante en bemol
Nostre grosse pucelle en a bien dans le cul.

Quand pour la renverser on eut fait l'attirail
Plusieurs sont accourus à ce grand appareil,
S'y trouverent surpris comme dans un tramail,
Et là furent blessez plus de gens qu'à Corbeil:
Si ce gros Coulombier servoit d'espouventail,
Il sera maintenant un clapier à Conil
Fort propre à retirer quelque Poisson d'Avril,
Il fit prendre autresfois nostre ville par dol,
Aussi chacun s'en mocque, et je ne connois nul,
Qui ne chante d'un ton, ou doux, ou grave, ou mol,
Nostre grosse Pucelle en a bien dans le cul.

Elle ne verra plus ses foudres de métail,
Qui la nuict quelquesfois troublent nostre sommeil,
Et dont l'air agité, plus que d'un éventail,
A mainte Pucelle esmeu le teint vermeil,
Elle a fait peur à tel, de qui le souspirail,
Se fut bien aysement bouché d'un grain de mil,
Quel que soit son autheur, Romain, Goth, Espagnol,
Roy, Maire du Palais, Empereur ou Consul,
Sans respecter son nom qui n'a pas eu grand vol,
Nostre grosse Pucelle en a bien dans le cul.

Envoy à quelque Balafré
Vous que la grosse Tour à rendu torticol,
Qui vous estes deffait de francs ou d'escus sol,
Pour guerir d'une pierre autre que le calcul,
Votre chef ne peut plus faire le girasol;
Si vous avez mal au siege du licol
Nostre grosse Pucelle en a bien dans le cul.

 

© Olivier Trotignon 2013

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10 mai 2013 5 10 /05 /mai /2013 08:35

megalithe2

 

Avant d'entreprendre mes recherches sur la période médiévale, je me suis longtemps intéressé à la question des mégalithes. C'est dans les albums de photos prises à cette époque que j'ai retrouvé quelques clichés intéressant la période médiévale et un phénomène connu dans d'autres région: la christianisation des dolmens et menhirs berrichons.
Ma région n'est pas une terre de pierres levées, malgré une occupation importante du sol à l'époque néolithique. Seuls quelques ensembles de monuments sont visibles au nord et au sud de l'Indre, et dans le nord-est du Bourbonnais. Le Cher est aussi concerné, mais de manière plus ponctuelle, et aucun monument remarquable ne peut égaler les beaux dolmens des région de Vatan et Aigurande.
La christianisation des mégalithes s'est opérée selon deux pratiques. L'une s'est traduite par une destruction totale des monuments (menhirs abattus ou enterrés, tables de dolmens fracassées), l'autre, moins radicale, consistant à marquer les pierres préhistoriques de signes religieux. Des pierres levées ont été retaillées en calvaires (quelques cas en Bretagne) ou ont été plantées de croix ou gravées de signes de croix. Ces modifications datent, comme on le pense généralement, de la période médiévale et traduisent de la part des populations impliquées des sentiments sur lesquels la prudence commande de ne pas être trop catégorique.
L'ampleur des destructions n'est pas vraiment évaluée, et les désordres de construction constatés ne sont pas tous d'origine religieuse. Des pierres ont été déplacées pour des raisons cadastrales, réduites pour récupérer de la pierre, affaiblies par des mouvements de terrain et même les observations faites par les archéologues, seuls aptes à démontrer qu'un mégalithe a été victime d'une destruction volontaire par observation de la stratigraphie, ne peuvent garantir qu'il s'agisse d'une initiative spirituelle.
La prolifération de symboles chrétiens sur des pierres levées néolithiques est-elle une preuve de christianisation? Là encore, la relation n'est pas établie. Des clercs ont pu profiter de l'existence de menhirs dans leur paroisse pour dresser des calvaires solides, sans pour autant que ce geste ait une portée missionnaire. Plusieurs menhirs probables du département de l'Allier sont porteurs de croix, mais sont aussi situés sur des limites parcellaires (que leur présence a certainement engendrées). Un menhir crucifère peut être une limite paroissiale ou judiciaire, paroisse et justice qui ont pu fixer leurs limites à partir de ce menhir.

 

megalithe3

 

Reste qu'il y a des cas, à défaut d'être incontestables, qui demeurent troublants. Le dolmen du Chardy, dans les alentours de Montchevrier/Saint-Plantaire, dans l'Indre, est isolé en plein champ, dans une zone très faiblement peuplée. Ce mégalithe a subi deux altérations post-néolithiques: quelqu'un a tenté d'y tailler une meule de moulin, et une croix profonde y a été gravée. Pour la meule, on comprend qu'un meunier ait trouvé pratique d'exploiter une pierre hors sol pour équiper son moulin. Pour la croix, sa présence n'a pas d'utilité flagrante. L'hypothèse d'une christianisation peut-être envisagée.

 

megalithe1

 

Si on retient cette dernière formule, les questions qui restent en suspens sont l'identification de ce contre quoi le clergé a lutté en signant ces pierres, et quand il l'a fait.
Certains voient là le signe de la persévérance de cultes païens dans des secteurs ruraux et forestiers reculés, bien après la christianisation des régions urbaines. Faute de pouvoir éradiquer ces superstitions, les clercs auraient changé les symboles de manière à donner aux pratiques populaires des apparences d'orthodoxie. Cette thèse concerne aussi les multiples saints ruraux, dont certains semblent le reflet de divinités gallo-romaines.
L'autre volet de ce dossier est de savoir quand ce actes se seraient produits. Si on démontre que la pratique remonte à l'époque mérovingienne, l'affaire s'inscrit dans le sens de l'Histoire. Si ces christianisations sont plus tardives, cela implique que les campagnes et forêts berrichonnes du haut Moyen-âge connaissaient un équilibre spirituel sensiblement plus complexe que ce qu'on imagine le plus souvent.
Un dernier point mérite qu'on s'y attarde: pourquoi et comment des monuments élevés pour certains 5000 ans avant le Christianisme sont-ils restés porteurs de valeurs religieuses si tardivement? L'historien n'apportera des hypothèses que pour tempérer certains délires mystiques qui verraient volontiers des confréries secrètes transmettre des secrets pluri millénaires de druide en druide depuis l'aube des temps.
Que les druides aient eu une influence sur la question n'est pas absurde. Les sources antiques parlent d'autels en pleine nature et les Gaulois n'étaient pas aveugles: les mégalithes ont pu les attirer. On envisagera comme plus probable la transmission de légendes populaires, un peu comme des très anciens mots sont restés dans les lexiques, de génération en génération, avec toutes les torsions imaginables par rapport au savoir d'origine.

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 09:35

Souages2

 

J'ignore les raisons qui poussent certains de mes lecteurs à s'intéresser depuis quelques jours à la pierre à la dîme, ou aux dîmes, de l'ancien prieuré bénédictin de Souages, en Boischaut, mais le hasard fait que je suis retourné la voir il y a quelques semaines pour mesurer la profondeur et le diamètre des alvéoles. J'avais comme projet de comparer cet instrument de mesure à un similaire photographié cet été dans le hameau de Prompsat, dans le Puy-de-Dôme.
N'étant pas très savant (et c'est un euphémisme) dans les sciences mathématiques, j'ai confié les calculs à un de mes correspondants médiévistes, Olivier du Berry, que je remercie pour sa diligence à traduire mes mesures en données publiables.
Nous supposons la pierre de Souages médiévale, sans autre repère que sa fonction. La perception des dîmes est une pratique fiscale qui remonte à la période paléomédiévale et qui s'est poursuivie bien après que Christophe Colomb ait traversé l'Atlantique. Ce monument peut être de tradition médiévale et avoir été taillé à l'époque moderne pour remplacer un dispositif plus vétuste.
La pierre de Prompsat (il en existe une autre dans Chatel-Guyon que je n'ai pas pu retrouver, hélas) est un bloc de lave creusé, comme celui de Souages, de cinq alvéoles. Son plus grand bassin a été tronqué, ce qui ne gène pas son étude.

 

Prompsat1

 

Comment mesurer la capacité de chaque cuvette? Les calculs sont approximatifs et ne peuvent avoir la précision qu'on aurait sur un contenant produit par l'industrie. Les pierres sont irrégulières et les évidements ne sont pas exactement cylindriques. J'ai utilisé une règle, un mètre à ruban et un pied à coulisse mais l'idéal serait de disposer d'un bon sac de graines à oiseaux, dont on se sert en paléo-anthropologie pour connaître le volume cérébral de nos ancêtres. Même chose pour des bidons d'eau et un verre mesureur, mais l'enjeu ne mérite pas un tel investissement en temps.
A quoi servaient ces pierres aux dîmes? Finie la vision naïve de ces paysans traînant leurs récoltes aux pieds d'un groupe de moines les toisant d'un œil sévère tout en les dépouillant au nom de Dieu d'un dixième de leur travail: cela n'a aucun sens en terme économique. La manutention et le transport de tonnes et de tonnes de céréales auraient occupé la population pendant des semaines et demandé une organisation inimaginable. Les pierres aux dîmes ont du voir passer par leurs cuvettes non pas des grains et des liquides, mais des pots, paniers et boisseaux que les collecteurs de dîmes emportaient avec eux dans les fermes pour leurs ponctions fiscales. En cas de contestation sur la quantité enlevée, les plaignants et les clercs pouvaient s'appuyer sur ces pierres, étalons de mesure reconnus.
On supposera que les dîmes sur le vins se mesuraient en tonneaux.
Quels sont les points communs entre Souages et Prompsat? Dans les deux cas, il y a cinq cuvettes, mais de capacités différentes:
- Prompsat: 56,75; 17,5; 2,3; 1,75 et 0,75 l
- Souages: 18,8; 5; 1,6; 0,65 et 0,3 l

Il y a de vagues ressemblances: Prompsat n°2 et Souages n°1;  P. n°4 et S. n°2; P. n°5 et S. n°4.
Quand on divise le volume le plus fort par les volumes les plus faibles on obtient:
Prompsat: 3,24; 24,6; 32,4, 75,5
Souages: 3,75, 12, 28,5, 63
A part les différences du deuxième rang, les proportions sont aussi vaguement comparables, en se souvenant que nous ne sommes pas dans la même région. Il semble que le clergé soit parti d'une capacité de départ et ait calculé les contenances inférieures par division. Il faut en plus imaginer les difficultés techniques à passer de l'abstraction mathématique à un résultat concret. Peut importe d'ailleurs les différences dans le détail. Prêtres et moines décidaient de l'abaque de division sur des proportions traditionnelles que nul n'aurait songé à contester. Les frictions ne pouvaient porter que sur la conformité des récipients de mesure des taxes.

 

Prompsat2

 

Je sais que mes relevés n'ont pas beaucoup de valeur mais comme les études sur le sujet ne sont pas faciles à se procurer, je n'ai rien d'autre à vous offrir que ces quelques calculs.
Il serait intéressant de se pencher, à l'occasion, sur le cas de ces bénitiers très simples qu'on trouve parfois à l'extérieur des églises, pour vérifier qu'il s'agit bien de cuves à eau bénite, et pas d'étalons de dîme sur l'usage desquels on se serait mépris.

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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28 avril 2013 7 28 /04 /avril /2013 13:34

La-Prée-gisant1-

 

Mon attention a été attirée, au départ, par une mauvaise photographie en noir et blanc illustrant un essai de synthèse sur Cîteaux en Berry. A l’arrivée: la surprise de découvrir un gisant remarquable, très peu connu, élément majeur du patrimoine funéraire médiéval berrichon.
La première originalité de ce monument funéraire est d’être dans la situation opposée à  celle de presque tous ses contemporains: alors que, dans la grande majorité des cas, les abbatiales cisterciennes ont été débarrassées des dalles funéraires qui les encombraient, là, c’est l’abbatiale qui a disparu et le tombeau qui est resté.

 

La-Prée-dalle-

 

Ce bel élément est en effet visible dans un mur isolé du cloître de l’abbaye de La Prée, qui n’est autre qu’un vestige du transept gauche de l’ancienne église abbatiale, abattue au XIXe siècle. Même s’il est assez récent (1422), il donne une bonne idée de ce à quoi ont du ressembler beaucoup de lieux de prière cisterciens qu’on décrit souvent de manière imprudente comme vierges de toute décoration.
La seconde originalité est d’être orné des restes d’une danse macabre dont il ne reste apparent qu’un squelette, d’un style qui rappelle, mais c’est sans doute un hasard, celle de l’église de Condé, dans le Cher.

 

La danse macabre de l’église de Condé (18)

 

La-Prée-danse-macabre-

 

Le tombeau se compose donc des restes d’un gisant disposés sur une dalle anépigraphe elle même contenue dans un bel enfeu. Le tout a été taillé dans un calcaire fin de belle qualité. Le défunt, Gaucher de Passac, seigneur du fief voisin de la Croisette, est représenté allongé sur le dos, le chef reposant sur un coussin, les mains jointes et équipé d’une cuirasse. La partie inférieure de la statue a été brisé et manque, mais il reste tout de même le corps du lion ou du chien sur lequel reposaient les pieds.

 

 

La-Prée-chien

 

Ce genre de mutilation est caractéristique de la période révolutionnaire, qui s’est assez volontiers acharnée contre ce symbole de l’appartenance à l’ancien ordre féodal.

 

La-Prée-gisant2-

 

Le visage a été abîmé mais reste lisible et présente les traits d’un homme âgé, tête nue.
Au premier contact, ce monument m’a donné une impression de “déjà vu”, confortée par la consultation de mes dossiers.
Le gisant de La Prée présente des similitudes flagrantes avec celui, contemporain à six années près, de l’ancienne collégiale Saint-Marin d’Huriel, dans l’Allier. Les proportion de la statue, la finesse du travail, des détails sur l’armure, les proportions de l’enfeu rappellent irrésistiblement le tombeau, aujourd’hui détruit mais connu par une gravure ancienne, du seigneur Louis de Brosse, signé par l’artiste berruyer Philippe Colombe, facteur de tombeaux et père du célèbre sculpteur Michel Colombe. L’expertise d’un confrère historien de l’Art serait utile pour confirmer ou infirmer cette constatation.

 

Le gisant de la collégiale Saint Martin d’Huriel (03)

 

La-Prée-enfeu-

 

Ce beau monument funéraire nous invite à découvrir, ou retourner visiter ce site prestigieux qu’est l’abbaye de La Prée, qui possède plusieurs autres pierres tombales médiévales que je n’ai pu encore photographier mais qui feront l’objet, dans les mois ou années à venir, de billets complémentaires.

© Olivier Trotignon 2013

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 09:21

Ronnet2

 

Dans le sud de la région de Montluçon, non loin de la limite entre les diocèses de Bourges et de Clermont se trouve, dans le village de Ronnet, un monument injustement méconnu du grand public mais qui a attiré depuis longtemps l’attention des archéologues et des historiens.
Sur les vestiges d’une forte motte castrale s’élèvent les vestiges d’un donjon de pierre, tronqué sur une hauteur difficile à estimer, mais qui garde une élévation significative.
Si on s’appuie sur la forme de cette construction, la tour de Ronnet peut être datée de la fin du XIIe ou du XIIIe siècle, comme la majorité des donjons de la région. Celui ci doit son salut à la faible qualité de l’appareillage général, qui inclut peu de belles pierres de taille. Les gens du village n’ont vu aucun intérêt à le transformer en carrière, tout juste l’ont-il éventré à la base pour profiter de la basse-fosse pour ménager un abri pour les animaux domestiques.

 

Ronnet3

 

Le profil général de ce bâtiment témoigne d’un archaïsme rare qui fait tout l’intérêt de ce site. Ses constructeurs ont en fait remplacé un antique donjon de bois datant du premier âge féodal par une tour de même conception, mais imputrescible et insensible à l’incendie, gardant un faible diamètre à la base et un accès par rampe amovible à un étage élevé, comme on en voit encore sur le donjon d’Huriel ou comme il en existait, d’après les gravures modernes, au château de Montrond. Aucune meurtrière n’a été ménagée dans le tronc qui demeure, ce qui confirme le manque de modernisme de l’ensemble, prévu pour abriter un nombre réduit de combattants disposants d’armes défensives puissantes comme des arbalètes, employées à partir du sommet du donjon.

 

Ronnet-tour

 

Ronnet offre donc au visiteur un intéressant exemple du passage dans nos régions des châteaux de bois à leurs successeurs de pierre. Ici, manifestement, les ambitions des architectes ont été limitées à l’imitation d’un modèle symbolique et tactique primitif: symboliser, en conservant la motte comme assise, le caractère souverain et féodal de la tour et assurer la sauvegarde d’un petit nombre de guerriers en cas d’agression.
Ailleurs, les vielles bases féodales ont été soit laissées à l’abandon, soit recouvertes par de puissants châteaux-forts, ce qui donne au donjon de Ronnet un caractère exceptionnel.

 

Ronnet1

​​​​​​​© Olivier Trotignon 2013

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Dans l'objectif de partager avec le grand public une partie du contenu de mes recherches, je propose des animations autour du Moyen-âge et de l'Antiquité sous forme de conférences d'environ 1h30. Ces interventions s'adressent à des auditeurs curieux de l'histoire de leur région et sont accessibles sans formation universitaire ou savante préalable.
Fidèle aux principes de la laïcité, j'ai été accueilli par des associations, comités des fêtes et d'entreprise, mairies, pour des conférences publiques ou privées sur des sujets tels que:
- médecine, saints guérisseurs et miracles au Moyen-âge,
- l'Ordre cistercien en Berry;
- les ordres religieux en Berry au M.A.;
- la femme en Berry au M.A.;
- politique et féodalité en Berry;
- le fait religieux en Berry de la conquête romaine au paleo-christianisme...
- maisons-closes et la prostitution en Berry avant 1946 (animation réservée à un public majeur).
Renseignements, conditions et tarifs sur demande à l'adresse:
Berrymedieval#yahoo.fr  (# = @  / pour éviter les spams)
Merci de diffuser cette information à vos contacts!

Histoire locale

Pour compléter votre information sur le petit patrimoine berrichon, je vous recommande "le livre de Meslon",  Blog dédié à un lieu-dit d'une richesse assez exceptionnelle. Toute la diversité d'un terroir presque anonyme.
A retrouver dans la rubrique "liens": archéologie et histoire d'un lieu-dit

L'âne du Berry


Présent sur le sol berrichon depuis un millénaire, l'âne méritait qu'un blog soit consacré à son histoire et à son élevage. Retrouvez le à l'adresse suivante:

Histoire et cartes postales anciennes

paysan-ruthène

 

Cartes postales, photos anciennes ou plus modernes pour illustrer l'Histoire des terroirs:

 

Cartes postales et Histoire

NON aux éoliennes géantes

Le rédacteur de ce blog s'oppose résolument aux projets d'implantation d'éoliennes industrielles dans le paysage berrichon.
Argumentaire à retrouver sur le lien suivant:
le livre de Meslon: non à l'éolien industriel 

contacts avec l'auteur


J'observe depuis quelques mois la fâcheuse tendance qu'ont certains visiteurs à me contacter directement pour me poser des questions très précises, et à disparaître ensuite sans même un mot de remerciement. Désormais, ces demandes ne recevront plus de réponse privée. Ce blog est conçu pour apporter à un maximum de public des informations sur le Berry aux temps médiévaux. je prierai donc les personnes souhaitant disposer de renseignements sur le patrimoine ou l'histoire régionale à passer par la rubrique "commentaires" accessible au bas de chaque article, afin que tous puissent profiter des questions et des réponses.
Les demandes de renseignements sur mes activités annexes (conférences, contacts avec la presse, vente d'ânes Grand Noir du Berry...) seront donc les seules auxquelles je répondrai en privé.
Je profite de cette correction pour signaler qu'à l'exception des reproductions d'anciennes cartes postales, tombées dans le domaine public ou de quelques logos empruntés pour remercier certains médias de leur intérêt pour mes recherches, toutes les photos illustrant pages et articles ont été prises et retravaillées par mes soins et que tout emprunt pour illustrer un site ou un blog devra être au préalable justifié par une demande écrite.