Les amateurs d’art roman se posent parfois la question de l’identification précise des équidés représentés tenant des instruments à cordes (rotes ou harpes) sur des modillons et des chapiteaux historiés visibles dans certaines églises médiévales. Deux photographies, prises à quelques kilomètres de distance, montrent que l’âne et le cheval ont inspiré de manière égale les sculpteurs du passé. La première provient d’un chapiteau du chœur de l’église de Dun-sur-Auron. Aucun doute possible, avec ses longues oreilles, c’est bien d’un âne dont il s’agit. En revanche, sur la suivante, due à la courtoisie de mon ancien collègue Yves de Goncourt, qui m’a aidé à illustrer ce billet avec son appareil muni d’un bon téléobjectif, on reconnaît, avec ses oreilles courtes et sa crinière tombante, un cheval musicien.
Le thème de l’âne musicien est très ancien. Une plaque de céramique présentée dans la section des antiquités égyptiennes du musée du Louvre en montre un datant au moins de la période pré-alexandrine. Si l’antiquité gréco-romaine n’a pas développé, à ma connaissance, ce sujet dans ses œuvres graphiques, l’auteur latin Apullée, dans son roman l’Âne d’or ou les métamorphoses, place une lyre face au héros asin de l’histoire. L’âne serait bien, selon certains avis, le point de départ ce ce thème curieux, le cheval ne l’ayant rejoint qu’à la période romane. Un petit repérage dans les édifices cultuels régionaux montre de réelles similitudes entre plusieurs modillons existant dans le sud du Cher. Les églises de Saint-Amand et Chambon, ainsi que le prieuré bénédictin de Drevant portent des sujets presque identiques, qui peuvent avoir été produits par le même artiste ou le même atelier. Les ânes, pour leur part, adoptent une attitude moins rigide et ne sont pas stéréotypés comme leurs cousins chevaux. Lion ou loup (comme à Dun) les rejoignent parfois sous le ciseau des tailleurs de pierre.
© Olivier Trotignon 2013