La période carolingienne a laissé peu de traces narratives dans la région. Néanmoins, comme tous leurs frères en Occident, les moines berrichons se sont attachés à conserver la mémoire d’ événements exceptionnels qui ont bouleversé les esprits de leur temps. C’est ainsi que la Chronique de Déols note, pour l’année 935, le décès d’Ebbe, seigneur de Déols, tué en combattant les Hongrois.
Pour un moine berrichon, un tel événement avait une incidence plurielle dans son rapport au monde. Ces envahisseurs, qu’il n’avait sans doute jamais vu, représentaient une perturbation temporelle et spirituelle majeure.
Ces envahisseurs avaient tué le protecteur de son monastère, et probablement occis ou blessé d’autres laïcs importants de la région. Les domaines extérieurs d’où sa communauté tirait une partie de ses bénéfices avaient pu être atteints.
Les Hongrois étaient, comme les Vikings, des païens dont l’incursion menaçaient physiquement les religieux, généralement prêts au martyr si aucun repli n’était permis, et plus encore les reliques protectrices de l’abbaye. On comprend que le passage de ces cavaliers venus des steppes orientales ait trouvé sa place dans la chronique berrichonne.
On sait en fait peu de chose sur ces intrus, ni l’importance de leur troupe, ni l’itinéraire qu’ils ont suivi. Ebbe est mort à Orléans, alors qu’il les forçait à traverser la Loire. On remarque que c’est dans cette même cité que les Huns d’Attila avaient été arrêtés dans leur progression vers la Gaule du sud. Comme tous les cavaliers pillards de l’époque, les Hongrois suivaient les routes. Il est peu probable qu’ils se soient aventurés dans les grands secteurs forestiers du sud de la région.
Guy Devailly, par un recoupement de sources, évalue comme plus probable l’année 937 que la date de 935 pour situer l’événement.
A ma connaissance, mais j’aimerais avoir l’avis de mes correspondants archéologues sur la question, les Hongrois n’ont pas laissé de trace matérielle de leur passage, comme des sépultures ou des objets typiques de leur culture qui auraient pu être récupérés sur des prisonniers ou des cadavres, et réemployés localement.
Quand à la dépouille d’Ebbe de Déols, c’est l’église Saint-Aignan d’Orléans qui accueillit sa sépulture, signe que la bataille qui fut livrée dans les environs fut peut-être aussi salvatrice pour l’Orléanais que pour le Berry.
© Olivier Trotignon 2012