Voici un petit serpent de mer qui resurgit périodiquement lorsque, pendant mes conférences, je qualifie de berrichonnes les contrées que traversent aujourd’hui les limites départementales entre le Cher et l’Allier, si bien qu’il m’est arrivé de me faire reprendre par certains auditeurs courroucés que j’occulte l’identité bourbonnaise de leur terroir natal.
Une petite leçon de géographie historique n’est donc pas superflue. Le Bourbonnais existait bien comme territoire distinct du Berry par la fiscalité qui s’y pratiquait et par l’hommage que ses habitants devaient à la seigneurie de Bourbon, mais seulement à partir de la Guerre de 100 ans. Selon Marcel Marion, dans son Histoire du Berry et du Bourbonnais, la création du duché de Bourbonnais remonterait à Louis, dit le Grand (1279-1342), devenu duc en 1327. Avant cette date, rien ne permet de distinguer la seigneurie de Bourbon de ses voisines du Berry du sud. Fondée dans les limites de l’ancien pagus biturige, Bourbon appartient au diocèse de Bourges qui épouse le territoire de l’ancienne cité gallo-romaine. Pendant les premiers siècles de la féodalité, alors que se multiplient les écrits sur lesquels l’historien peut s’appuyer pour fonder ses observations, les Bourbons se désignent eux-même comme seigneurs du Berry.
La confusion naît de la division départementale de la période révolutionnaire. On considère alors que, globalement, les départements du Cher et de l’Indre sont berrichons et l’Allier Bourbonnais. Or, quand on regarde la situation dans le détail, il est manifeste que le Saint-Amandois (dans le Cher), ancien fief des Charenton, vassaux de Bourbon, est de tradition bourbonnaise et qu’il existe des enclaves berrichonnes dans l’Allier et dans la Creuse.
Tout se complique un peu plus lorsque sont crées les régions. L’Allier est aggloméré à l’Auvergne, qui était totalement distincte en tant qu’ancien pagus des Arvernes et évêché de Clermont, du Berry. On comprend que certains peinent à s’y retrouver.
Aujourd’hui, Berry et Bourbonnais sont deux identités distinctes par d’infimes singularités comme leurs coiffes traditionnelles, leurs cornemuses, leurs races de poules et d’ânes et, m’a-t-on dit une fois, par le tempérament de leurs habitantes (je laisse à mon interlocuteur d’alors la responsabilité de ce dernier jugement). Pour la période médiévale, c’est la chronologie qui fait office de boussole.