Presque noyées dans le bocage bourbonnais, les ruines du château de la Bruyère-l'Aubespin, près de Cérilly, dans l'Allier, n'ont rien de spectaculaire. Comme moult autres vestiges médiévaux de forteresses de petites dimensions, leur notoriété, même locale, est très faible. Pourtant, c'est bien là que s'est joué un épisode tragique de la Guerre de 100 ans. Parler de crime de guerre, quand on connaît les valeurs de l'époque, n'aurait pas grand sens, mais les faits qui s'y sont déroulés au cours de l'été ou de l'automne 1369 furent particulièrement effroyables.
L'été 1369 fut marqué en Bourbonnais par une chevauchée partie du Poitou et commandée par deux capitaines anglais, Ciquot de la Saigne et Ortingo d'Ortenie. Outre les ravages que durent subir les populations vivant le long de l'itinéraire emprunté par les Anglais, que les chroniqueurs ne perdent pas de temps à détailler, la région fut marquée par la prise, par la ruse, du château de Belleperche, à Bagneux, dans l'Allier.
Dans cette place de nos jours disparue résidait la duchesse de Bourbon, Isabeau de Valois, mère du duc Louis II de Bourbon, qui fut faite prisonnière. Cet épisode guerrier fut doublé d'un moins connu, qui conduisit la même chevauchée à s'emparer du château de la Bruyère.
La réaction de Louis de Bourbon fut immédiate. Le "bon duc" fit mettre le siège devant les deux places. Belleperche résista plusieurs semaines. Le sort des Anglais de la Bruyère fut beaucoup plus vite réglé.
Jean d'Orronville, dit Cabaret, auteur de la Chronique du bon duc Loys de Bourbon, n'est guère bavard sur l'affaire, mais son récit livre l'essentiel.
C'est un berrichon, le comte de Sancerre, qui se chargea du sort de la Bruyère. Ses hommes reçurent le soutien de milices bourbonnaises. Les Français procédèrent d'abord à la rupture des fossés, pour les assécher. L'endroit étant, on l'imagine, impraticable à cause de la vase, le fossé vide fut rempli de fagots, qui permirent aux sapeurs de creuser une mine dans la muraille. Il ne restait qu' à mettre le feu à l'ensemble. comme prévu, le mur d'enceinte s'effondra au dessus de la sape, sonnant la fin de la résistance anglaise.
Cabaret précise dans son récit que deux capitaines, Richard Mauverdin et Jacques Sadellier, sans doute plus Poitevins qu'Anglais, furent pris et très certainement rançonnés ultérieurement.
Le sort des simples soldats prisonniers, sans valeur marchande, fut réglé de manière totalement inhumaine: "on les livra aux communes, qui en firent de grosses charbonnées".
Souvent noyés dans les étangs ou pendus à la première branche venue, les prisonniers anglais payaient souvent de leur vie les exactions commises par les leurs ou leurs semblables. Peut-être inspirés par la forêt de Tronçais toute proche, les recrues bourbonnaises préférèrent, cette fois ci, le bûcher pour envoyer leurs ennemis en Enfer.
© Olivier Trotignon 2014