Un enjeu méconnu de la spiritualité médiévale est illustré dans nos régions par les efforts déployés par la féodalité pour fixer des abbayes et des prieurés afin d’y reposer un jour. Nous avons déjà évoqué dans ces pages le cas du prieuré de Drevant, probable première nécropole de la famille de Charenton. Un examen rapide de quelques autres fondations monastiques illustre l’importance du phénomène à partir de l’an 1000.
Certes, il serait inapproprié de résumer l’attachement de la chevalerie à ses monastères à un simple projet funéraire. Les abbayes accueillaient une partie de la jeunesse seigneuriale et prenaient parfois en charge ses vieillards dépendants. Les dons consentis à Dieu participaient pour beaucoup à l’élan rédempteur de cette société d’hommes d’armes qui cherchait ses repères entre le Bien et le Mal. Des liens familiaux unissaient les chevaliers et les moines. La tombe était la dernière étape de ce cheminement commun entre les deux sociétés, celle qui combattait et celle qui priait.
Très tôt, les chevaliers berrichons cherchent dans le paysage religieux de leur temps les moyens d’attirer sur leurs terres des ordres monastiques acceptant parmi les sépultures de leurs frères ou de leurs sœurs les dépouilles laïques. Les sires de Bourbon se tournent vers la Bourgogne et Cluny pour fonder à Souvigny le prieuré qui accueillera leurs défunts. Huriel, isolé, favorise la renaissance de la Chapelaude, prieuré de l’abbaye de Saint-Denis, en Île-de-France, quelques décennies plus tard. Les seigneurs de la région de Lignières, Adalard Guillebaud en tête, offrent à Robert d’Arbrissel et à ses fontevristes la terre d’Orsan sur laquelle est bâti un prieuré (l’abbaye de Chezal-Benoît ne pouvait ouvrier son espace sépulcral aux tombes de laïcs). L’arrivée des cisterciens élargie les choix offerts à une féodalité en pleine expansion démographique et économique de se joindre à cette tradition reçue des plus anciennes familles régionales: Noirlac pour les Charenton, Fontmorigny pour les Montfaucon, Les Pierres pour les Guillebaud ouvrent leurs cimetières et leurs murs aux dépouilles mortelles de leurs bienfaiteurs, garantissant à ces derniers le récit de prières jusqu’à ”la consummation des siècles, pour le remède de leurs âmes”, selon les belles formules de l’époque.